Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

multiples, qui seraient ébranlées. La coutume de placer son argent dans les fonds publics, qui est éminemment favorable au crédit de l’état et qui en même temps contribue à perpétuer la prudence parmi les populations, serait subitement dépouillée, pour un laps de temps assez étendu, de l’avantage qu’elle a aujourd’hui de garantir pour l’avenir un degré déterminé de bien-être ; elle s’affaiblirait donc nécessairement, si elle ne se perdait pas. Dans cet ensemble de faits très fâcheux, dans ce bouleversement de tant d’existences, dans ce discrédit qui serait jeté sur des pratiques dont se trouvent si bien la société et même le trésor britannique, il y a de quoi faire hésiter le parlement, même en présence de la séduction qu’exercerait une réduction effective de la dette publique aussi marquée que celle à laquelle j’ai fait allusion[1].

Dans les états comme la France, où la loi ne reconnaît d’étalon que l’argent, et où l’or n’est dans le système monétaire qu’un métal subordonné, le remède au mal, dans une forte mesure, est d’une moindre difficulté à découvrir, et le législateur pour s’y décider n’aurait pas à subir les mêmes perplexités que dans les îles britanniques. Il suffirait de mettre fin à la tolérance, contraire à la légalité, en vertu de laquelle l’or continuera indéfiniment, si l’on n’avise, de se placer dans la circulation aux mêmes conditions que s’il conservait toujours, par rapport à l’argent, la même valeur qu’il y a un demi-siècle.

Dans le système de la législation française, si l’or, au lieu de valoir, comme en l’an XI, quinze fois et demie son poids d’argent, n’en valait plus que la moitié, c’est-à-dire sept fois et trois quarts, on serait tenu de prendre, à l’égard des monnaies, des mesures telles que ce qui serait un franc en or, c’est-à-dire l’équivalent légal de la pièce de 5 grammes d’argent au titre de neuf dixièmes de fin, renfermât 58 centigrammes du précieux métal. Ainsi le veulent l’esprit et le texte de la loi. On aurait à faire subir à la monnaie d’or un changement analogue dans le cas où l’or, au lieu de s’abaisser de moitié, tomberait d’une hauteur moindre, et viendrait par exemple à dix fois la valeur de l’argent ou à douze, ou à quatorze, ou même à quinze. Or par quelle voie arriver à cette transformation ? Serait-ce en refondant les pièces de 10, 20, 40 fr. de manière à doubler juste le métal fin qu’elles contiennent dans l’hypothèse d’une baisse de moitié ?

Ainsi compris, le procédé de la refonte aurait un grand inconvénient : pour avoir toujours des pièces d’une valeur fixe de 20 fr.

  1. Ces considérations sont au nombre de celles qu’a présentées avec une grande force M. James Maclaren dans l’écrit que j’ai déjà cité