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maîtriser, envahit ses travaux et l’obligea à les abandonner complètement. Desandrouin, voyant surtout dans son échec la certitude de l’existence de la houille, ne se découragea point, abandonné de ses associés primitifs, en recrutant d’autres, suivait jour et nuit les phases de son entreprise, il consacra 100,000 écus à la réalisation du projet de recherche dont il était l’auteur. Dans un conte en vers, intitulé le Noble Charbonnier et destiné à montrer que l’histoire de l’industrie peut s’allier à une inspiration poétique de bon aloi, M. Audenelle, membre de la Société d’agriculture, sciences et arts de Valenciennes, a raconté sous une forme attachante la découverte de la houille dans le Hainaut. Il représente son héros parcouant la campagne en proie à son idée créatrice, obsédé plus souvent par le doute que soutenu par l’espérance, souriant à peine à une fille chérie, vingt fois abandonnant la partie, vingt fois la reprenant, arrivant à ce moment suprême où le défaut de ressources va définitivement faire évanouir son rêve, apercevant déjà l’usurier qui s’abat sur son vieux donjon, se voyant traité de fou par cette opinion publique qui n’a de gloire que pour le succès, jetant pourtant un regard prophétique sur ces bienfaits de l’industrie qu’il ne lui aura pas été donné de réaliser, mais qu’un autre saura certainement produire, et bénissant ses enfans dans une dernière étreinte. C’est alors que le drame se termine d’une façon vraiment touchante par l’apparition d’un char pavoisé portant le premier morceau de houille extraite du Hainaut. L’histoire du Noble Charbonnier n’est, on le dit, en grande partie que l’histoire même du vicomte Desandrouin.

Ce ne fut que vingt-deux ans après la découverte de la houille à Anzin que se forma la compagnie des mines de ce nom, née d’une fusion de la société Desandrouin avec deux compagnies rivales. En effet, les imitateurs devaient encore moins manquer après le succès qu’auparavant, et le mouvement que je signalais tout à l’heure dans l’est n’est que la reproduction de ce qui se passa dans le nord pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle. De plus, les recherches furent entreprises un peu à tort et à travers, et, si quelques-unes furent heureuses, le plus grand nombre ruina ceux qui les faisaient. Parmi les trois compagnies qui découvrirent la houille, aucune ne put d’ailleurs l’exploiter avec bénéfice. Ce ne fut donc point devant la concurrence que la compagnie Desandrouin baissa pavillon ; ce fut à la suite d’une lutte judiciaire qu’il serait trop long de raconter ici. Deux ans après la création de la compagnie d’Anzin, le noble charbonnier mourut, comme s’il eût alors, remarque ingénieusement M. Grar, accompli sa tâche. Au moment de la révolution, le bénéfice annuel de la compagnie d’Anzin était de 1,200,000 francs. Le génie