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cette perte, vivement sentie dans nos provinces de l’est[1], provoque autre chose que de stériles regrets, et l’idée de rechercher sur le sol français le prolongement du bassin prussien germa aussitôt dans les têtes lorraines. Dès 1816, des sondages pratiqués aux environs de Forbach avaient résolu d’une façon péremptoire la question même du prolongement, mais ils n’avaient donné que ce résultat, d’ailleurs fort important. Suivis en 1820 de l’institution d’une concession, les travaux d’exploration avaient à peine pu être transformés en travaux d’exploitation, par suite de l’abondance des eaux rencontrées dans le creusement d’un puits, qui, à une trentaine de mètres de profondeur, donnait déjà 270 hectolitres d’eau par heure. Cette quantité fut même quadruplée un peu plus tard, mais sans paralyser les efforts des exploitans, qui avaient courageusement accru leurs moyens d’épuisement et ne rencontraient plus d’obstacles de ce côté en 1829. Malheureusement le puits, profond alors de 100 mètres, se trouvait placé sur un de ces accidens de terrain qui attendent trop souvent l’explorateur des gîtes houillers à la fin de ses travaux de reconnaissance ; les couches de combustible atteintes étaient dérangées, impures, irrégulières, et finalement une nouvelle irruption des eaux, contre lesquelles on ne se tenait plus en garde, chassa les mineurs des galeries de recherche, qui furent abandonnées ; le creusement du puits fut seul prolongé, et la profondeur de 229 mètres fut obtenue. Après quelques momens d’espoir, dus à la rencontre de couches qui avaient une belle apparence, le découragement s’empara des exploitans, qui voyaient ces couches devenir médiocres, et ils se retirèrent définitivement en 1836 : ils avaient infructueusement dépensé un million !

Cet abandon jeta la contrée dans un véritable désespoir, résultat naturel des espérances excessives qui avaient été conçues, et fit douter un instant du succès de toute entreprise ayant pour but de trouver en France le prolongement du bassin de Sarrebruck de 1819 à 1824, le conseil général de la Moselle avait voté des fonds pour l’exploration du terrain houiller ; ce ne fut qu’en 1843 que la chambre de commerce de Metz émit le vœu que des études y fussent entreprises par les soins de l’administration des mines. Comme le remarque justement M. Jacquot dans l’intéressant résumé de ces études,

  1. Dix millions de quintaux métriques, soit la plus grande partie de la production du bassin prussien, — dont le décuplement s’était opéré de 1815 à 1850, et qui a plus que triplé depuis cette époque, — sont absorbés annuellement par la Lorraine et l’Alsace, et aussi par la compagnie des chemins de fer de l’Est. Pour donner une idée de l’importance du tributaire que je mets ainsi sur le même pied que deux provinces, j’ajouterai qu’il absorbe à lui seul par jour, pour le chauffage des 250 locomotives qui sont en feu pour le service quotidien, 1,700 quintaux métriques de houille et 1,800 quintaux métriques de coke.