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de quelques pensions notablement plus élevées, en y ajoutant les dépenses que font certains fous.avec leurs propres revenus, et en outre les dépenses des parens, des administrateurs et des curieux, on ne peut évaluer à moins de 250,000 francs par an la dotation annuelle que les maladies mentales paient, à Gheel. C’est assez pour constituer le capital de roulement de la commune. Il se répartit de première main entre la ville et la campagne, et se partage ici comme là entre propriétaires et fermiers.

Nous plaçant au point de vue de l’opération économique, nous dirons qu’il y a dans la commune de Gheel, pour l’entretien des aliénés, quatre classes d’entrepreneurs : 1° les nourriciers qui logent leurs pensionnaires dans leur propre maison. Bien qu’il y ait là, comme partout, de riches et de pauvres propriétaires, on peut dire généralement que cet état répond à quelque aisance et garantit d’assez bons soins aux aliénés. Le jardin dépendant de la maison procure les légumes à un prix qui permet de ne pas regarder de trop près à la consommation.

Les nourriciers simples locataires de maisons et de jardins. On peut rapprocher de ceux-ci les propriétaires de maisons sans jardin, ou dont le jardin trop exigu réclame une location supplémentaire. Ici l’entreprise ressemble fort à une pure spéculation. Obligés d’acheter presque toutes leurs denrées au marché ou en boutique, les nourriciers de cette catégorie ne tirent guère aucun bénéfice de la pension : le temps perdu peut même devenir pour eux une charge onéreuse, à moins qu’une bonne chance ne leur ait donné un collaborateur du même métier, ce qui est rare. Ils tiennent pourtant beaucoup à avoir des pensionnaires parce que la pension trimestrielle sert de garantie au bail consenti par le propriétaire, en même temps qu’aux avances faites par le marchand, et devient ainsi la base du crédit personnel. Dans ces maisons, l’aliéné court grand risque de n’être que médiocrement entretenu.

3° Viennent ensuite les nourriciers propriétaires de fermes qu’ils font valoir avec les aliénés. Ici l’avantage réciproque est manifeste. Pour peu que les récoltes de seigle et de pommes de terre aient réussi, l’aisance règne au logis ; les greniers, les silos sont remplis, les cheminées décorées d’énormes quartiers de lard et de jambon. En de telles conditions, l’aliéné n’est jamais une charge, et si par son travail personnel il vient en aide à la famille, il est accueilli comme un précieux auxiliaire, et non comme une bouche inutile.

4° Il y a enfin les nourriciers simples fermiers dans les campagnes. On trouve chez eux les mêmes sentimens et les mêmes avantages que chez les propriétaires, sauf la gêne qui peut résulter d’un loyer de terre assez élevé. Ce loyer se compose d’une prestation principale