Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui peuplent Gheel. C’est un fait constaté qu’à raison des apparences un peu pauvres de la colonie, on n’y recourt souvent qu’après avoir épuisé ailleurs les ressources de l’art, et quand les maladies aiguës sont devenues chroniques. Un grand nombre des pensionnaires de Gheel sont des idiots, des imbéciles, des démens, qui trouvent là, comme partout, une pitié plus secourable qu’efficace. Certains médecins ont même prétendu que Gheel ne convenait qu’aux incurables, et de là une réputation peu encourageante. Autrefois on y venait chercher un miracle, aujourd’hui on y cherche un dernier asile. Ces réserves étant faites relativement à la qualité des malades, voici les indications recueillies à diverses époques.

Au célèbre Esquirol, le docteur Backel, qui avait passé sa vie à Gheel, déclara de 10 à 15 guérisons annuelles sur 4 ou 500 malades. En 1839, on en signala 30, 26 en 1855, 35 en 1856. On a vu que dans ces dernières années la population totale oscillait de 700 à 1,000. Il paraîtrait que le rapport officiel de 1855 constate un tiers de guérisons à Gand et un cinquième seulement à Gheel, différence qui ne devrait pas surprendre d’après le caractère des affections mentales soignées dans cette dernière localité ; mais ces chiffres coïncident peu avec ceux que nous avons recueillis sur place, au moins pour Gheel, ce qui laisse supposer quelque différence dans les bases de la statistique. On sait qu’en effet l’estimation numérique des guérisons est surtout difficile dans les cas d’aliénation, où les sorties risquent fort d’être mal à propos qualifiées de guérisons. Il faut remarquer en outre que dans les hospices où l’entretien des aliénés est une charge, on les rend volontiers à leurs familles aux premières apparences sérieuses de guérison. À Gheel, où cet entretien est une source de bénéfices, où d’ailleurs l’aliéné se trouve souvent mieux qu’il ne sera chez lui, rien ne hâte le départ, qui n’est autorisé qu’après des épreuves multipliées. Le médecin de section, puis le médecin inspecteur interviennent, interrogent, examinent, et les chances sont bien plus nombreuses qu’ailleurs pour que la sortie par eux autorisée réponde à une guérison solide.

On a vu à Gheel quelques guérisons après deux ans, même après trois ans de traitement infructueux ailleurs. Là comme partout, les maniaques, les agités, en qui la sève vitale conserve toute son énergie, guérissent plus vite que les calmes, qui souvent tombent en démence et deviennent imbéciles. On guérit rarement les monomanies, surtout les monomanies religieuses. On est un peu plus heureux avec les folies intermittentes. Les guérisons sont plus nombreuses dans les campagnes, où les fous travaillent, que dans les villes, où ils sont moins occupés. On croit avoir constaté que le nombre de guérisons a diminué avec l’affaiblissement de la dévotion, et ce résultat n’étonne point la science, qui, sans intervenir