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ombrageux ne sauraient voir autour d’eux que des hôtes qui hébergent des pensionnaires ; plus bienveillans, ils reconnaissent en eux des nourriciers qui les soignent, et quelquefois des amis et des compagnons. Au jugement de tout homme désintéressé, ce que l’esprit de concurrence a quelquefois qualifié d’exploitation locale prend à Gheel le caractère d’une mission sociale et médicale.


IV. – ACTION DU MILIEU PHYSIQUE ET SOCIAL. – RESULTATS.

Nous connaissons les divers élémens qui composent ou entourent la colonie d’aliénés de Gheel : le pays, les malades, les habitans. Étudions de plus près l’action réciproque de ces élémens, à commencer par celle du milieu matériel ou physique sur l’état de l’aliéné.

Au gré de ses goûts, ou plutôt des convenances de l’autorité qui le protège, famille, commune ou établissement de bienfaisance, et sur l’avis du médecin inspecteur, le malade est placé soit à Gheel, soit dans l’un des villages ou hameaux disséminés dans la commune[1], soit enfin dans les fermes isolées. C’est une facilité de choix qui peut être prise en considération par les familles qui craignent que le nom de Gheel, trop caractéristique, comme celui de Charenton ou de Bicêtre, ne nuise à l’avenir des infortunés conduits dans cet asile.

À la ville comme dans les campagnes, leur existence s’écoule loin des lieux et loin des personnes témoins ou causes de l’invasion première du mal, à l’abri de toute circonstance qui puisse réveiller de dangereux et importuns souvenirs ; c’est là une condition de traitement efficace proclamée par tous les médecins. L’atmosphère, imprégnée d’une humidité qu’elle doit aux vents qui, après avoir balayé la mer, arrivent du nord, apaise l’irritation des nerfs et du sang. De violentes impressions ne sauraient y agiter l’âme. Le pays est peu animé, médiocrement peuplé, éloigné de toute grande ville. La grand’route de Hérenthals n’est qu’une voie secondaire de circulation ; le chemin de fer qui traverse les landes, à deux lieues de Gheel, ne trouble en rien le calme de la colonie. Par ces moyens de communication, le pays est plus accessible aux familles, aux administrateurs, aux visiteurs, triple garantie morale qui ne diminue pas l’isolement habituel. L’âme, suivant ses dispositions, s’y livre ou à une contemplation inattentive qui n’en vivifie pas moins l’organisme par tous les pores, ou à une observation directe et active qui la distrait

  1. Kivermont, Hadschot, Holven, Rauwelkorven, Larum, Elsum, Poyel, Liesel, Steelen, Stokt, Wilaer, Winkelom, Laer, Aert, Oosterloo, Zammel, Bell. Les trois derniers villages, à raison de leur éloignement du chef-lieu, n’ont pas reçu de malades jusqu’à ce jour.