et grande église en l’honneur de sainte Dymphne. En 1400, un bref du pape Eugène IV consacra la dévotion populaire, et depuis ce temps jusqu’à nos jours s’est maintenu un courant de pèlerinage, alimenté par la maladie et par la foi. Dans cet entraînement confiant, quelle fut la part des guérisons réelles ? quelles furent la part des illusions et celle des déceptions ? C’est un problème que la philosophie médicale aimerait, autant que la philosophie religieuse, à résoudre, si les documens scientifiques ne faisaient entièrement défaut. Les conjectures mêmes nous échappent. Mais comment cette source de souffrances et de prières, de bons soins sollicités et accordés, est devenue une source de travail et de liberté pour les aliénés et de prospérité pour le pays, l’économie politique peut aisément l’expliquer. Dans ce désert, il fallait vivre, et la stérilité naturelle du sol y rendait la vie difficile. Malgré une modeste indemnité payée par les familles des malades, l’hospitalité y était une charge plus lourde que partout ailleurs. À défaut de la charité religieuse, l’esprit seul d’épargne eût conseillé de ne faire, avec les pauvres insensés, qu’un régime, qu’une table. Tout naturellement l’aliéné, devenu un pensionnaire, fut admis à la vie de famille comme un ami, comme le serviteur lui-même dans les campagnes. Après le repas, que faire du malheureux ? L’enfermer, le tenir à l’écart, c’eût été perdre le travail des personnes chargées de sa garde. Le besoin inspira donc l’idée de lui laisser la liberté et de l’emmener aux jardins, dans les champs, pour le surveiller de plus près et sans frais. Là, en face de la terre, qui sollicitait les bras, s’accomplit un troisième progrès, et la misère cette fois fut bonne conseillère. Ces infortunés, dont on avait la charge, ne pouvaient-ils, dans leurs momens lucides, utilement participer au travail de la famille ? On les y invita, on les y détermina. Beaucoup d’entre eux, entraînés par les habitudes de leur vie antérieure et par l’exemple autant que par la parole, cédèrent de bon gré à ces désirs, que quelques-uns avaient spontanément devancés. Ainsi, sans violence aucune, par le seul attrait du travail en compagnie, certains fous devinrent les auxiliaires de l’agriculture dans les champs, comme d’autres aidaient au ménage dans la maison.
Admis au foyer domestique au nom de la fraternité chrétienne, les fous durent aussi recevoir, sans exciter ni inquiétude, ni répugnance, l’hospitalité de la nuit, en maladie comme en santé, sous le même toit, souvent dans la même chambre, et quelquefois dans le même lit que les autres membres de la famille. C’est ainsi que les inspirations premières de la religion, qu’avaient déjà fortifiées les calculs de l’économie, se trouvèrent peu à peu, dans une pratique séculaire de vertus obscures, sanctionnées par une intime