Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par Laplace, à savoir que le fluide intérieur au-dessous de la lave sur laquelle flottent les continens est à l’état de liquide élastique, que c’est une espèce de gaz très compacte, dont l’élasticité immense au centre a pour mesure le poids de toute la demi-épaisseur de la terre, on lève toutes les difficultés mécaniques. L’action érosive de la vapeur et des gaz est admirablement traitée dans ces notices. Quant à ceux qui admettaient autrefois que la vapeur d’eau pût soulever les couches continentales, cela n’a pu avoir lieu que quand la croûte solidifiée n’avait qu’une épaisseur et un poids équivalent à quatorze ou quinze cents atmosphères, c’est-à-dire la tension maximum que puisse prendre la vapeur. Ainsi, dès que l’enveloppe solidifiée a eu plus de six kilomètres de profondeur, elle a cessé de pouvoir être brisée par la vapeur d’eau souterraine. On sait que cette enveloppe a maintenant cinquante ou soixante kilomètres de puissance. J’ai reçu récemment de l’astronome royal d’Ecosse, M. Piazzi Smyth, fils de l’amiral qui a tant illustré ce nom, une série admirable de photographies des laves du pic de Ténériffe. Il semble qu’on y voie encore l’action écorchante des gaz chimiques corrosifs que le laboratoire de l’action volcanique lançait entre les fissures de ces entassemens de laves concassées mécaniquement par les tremblemens de terre. À propos de ces réactions chimiques produites par les convulsions terrestres, on se rappelle involontairement la mort de Pline, suffoqué par les lourdes éruptions gazeuses du Vésuve au premier siècle de notre ère. Je quitte à regret le tableau de la terre primitive tracé dans les notices scientifiques de la relation qui m’occupe. Développé, ce beau travail ferait deux excellens volumes. Les mots techniques y sont même rendus intelligibles ; on y voit la nature s’élever dans ses formations à mesure qu’elle se refroidit ; on y voit se dessiner les formes ultérieures des objets,

Et rerum paulatim sumere formas.

Il y a dans ce volume une figure, que je dirai très probable, du mode d’action du grand Geyser d’Islande, si bien étudié par M. Descloizeaux, et qui lance de temps en temps dans les airs une colonne d’eau bouillante, ayant pour diamètre l’orifice des puits d’une vaste mine, et pour hauteur celle des tours de Notre-Dame. Banks et Solander y firent cuire leur poisson. La troupe joyeuse du prince Napoléon, rendue sans doute un peu plus grave par une cavalcade de plusieurs heures au galop sur des chevaux et des selles islandaises, et sous une pluie suivie d’un bivouac en habits trempés d’eau, ne paraît pas, sauf un punch, s’être livrée aux excentricités que met en œuvre avec un grand sérieux le flegme britannique. Nos Français ne se trouvèrent pas seuls au Geyser : un touriste, le jeune lord Dufferin,