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puis, au bas de l’appareil distillatoire, d’extraire les liquides chargés d’huiles essentielles infectes, en évitant ainsi qu’elles retombent dans la chaudière. Le résultat économique qu’on en pourrait obtenir aurait une véritable importance : il introduirait un nouvel élément de succès dans les distilleries agricoles, dont il simplifierait encore les installations en les rendant plus économiques.

Les avantages de ces distilleries perfectionnées ont été tellement bien compris, qu’elles continuent à se multiplier en France : déjà on en compte près de deux cents, représentant ensemble une consommation journalière de 2 millions de kilos de betteraves, et durant les deux cents jours de travail pendant une année, — 400 millions de kilogrammes de ces racines[1]

Le développement de la distillation des betteraves, suivant le nouveau système, au milieu des exploitations agricoles, tient à plusieurs causes que nous allons rappeler ici en complétant les premières indications que nous avons données à ce sujet. Sur 100 kil. de betteraves, le procédé qui vient d’être décrit permet non-seulement d’obtenir de 75 à 78 kil. de résidu propre à la nourriture des animaux, mais encore cette pulpe humide, mélangée avec trois fois son volume de divers fourrages-communs bien macérés, améliore, en les rendant plus assimilables, les portions trop résistantes de ces fourrages[2]. Ce procédé permet aussi de tirer un parti avantageux

  1. Voici sur quelles bases on peut calculer le prix de revient de l’alcool dans la plupart des exploitations rurales, qu’une commission de la Société centrale d’agriculture a visitées en 1856, — exploitations installées suivant le système de M. Champonnois, et traitant chacune par jour de 4,000 à 20,000 kilogrammes de betteraves de plusieurs variétés :
    1,000 Kilogrammes de racines 16 fr.
    Combustible (1/2 hectolitre de houille) 1 fr. 55
    Main-d’œuvre et divers frais 5 fr. 53
    Entretien et réparations des appareils 2 fr. 24 fr. 08
    Dépense d’où l’on doit déduire la valeur de 750 kilogr. de pulpe 7 fr. 50
    Montant net des frais. 16 fr. 58 c.


    Le produit alcoolique moyen étant de 90 à 100 litres d’alcool à 50 degrés, représentant au moins 45 litres à 94 degrés, on voit que les 100 litres de cet alcool coûtent 36 fr. 84 c. En y ajoutant pour les dépenses relatives à la rectification 20 fr. 16, il en résulte que 100 litres rectifiés vendables coûtent 57 fr.
    Au cours actuel de 105 francs, le bénéfice serait de 48 francs. En supposant que le cours commercial descendit à 60 francs, aussi bas que dans les années antérieures très abondantes en raisins, le bénéfice serait réduit à 3 francs. Dans tous les cas, le principal avantage pour notre agriculture résultera de la pulpe favorable à la nourriture du bétail.

  2. Les rations journalières de pulpe données aux animaux varient un peu dans les exploitations rurales. M. Bella, directeur de Grignon, donne aux animaux à l’engrais 10 pour 100 de leur poids, aux vaches laitières 5/100es, et aux bêtes à l’élevage 2 pour 100 ; il ajoute en tout cas aux pulpes de sa distillerie le complément ordinaire de la ration en menues pailles, fourrages hachés, grains et tourteaux. Dans les exploitations les plus avancées, où l’on entretient une tête de gros, bétail (bœuf de travail ou à l’engrais) par hectare de terre, on calcule en moyenne, pour la nourriture de l’animal, 30 kilos de pulpes mélangées avec 3 kilos de menue paille et fourrage hachés, plus 1 1/2 à 2 kilos de tourteau, ou l’équivalent en foins ou céréales. Sur une exploitation rurale de 265 hectares environ, où l’on établirait une distillerie employant par jour 10,000 kilos de betteraves, on obtiendrait 7,500 kilos de pulpes, servant, avec le complément de la ration, à nourrir 250 bœufs de travail ou l’équivalent en autres animaux. L’approvisionnement de la distillerie pourrait être fourni par la culture de 60 ou 65 hectares, qui reviendrait tous les quatre ans sur le même sol.