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contenait, mais retenant, avec les 9/10es de l’eau, toutes les substances fixes ou peu volatiles capables de servir à la nutrition, c’est-à-dire les matières azotées, grasses et salines. Il en résulte qu’après avoir été lessivées par la vinasse, les bandelettes de betterave ont repris tous les principes constituans de cette racine, excepté le sucre, changé en alcool, tandis qu’en suivant l’ancienne méthode, elles ne retenaient du lessivage que l’eau interposée, et valaient à peine comme engrais les frais de transport sur les terres à fumer. Toujours préoccupé des moyens de rendre son système facilement applicable dans les exploitations rurales, M. Champonnois n’y pouvait parvenir sans rendre aussi la fermentation des jus plus régulière et mieux assurée. Il y a réussi à l’aide d’une modification en apparence légère, en réalité fort importante. Au lieu d’exciter la fermentation alcoolique dans les jus sucrés par l’addition d’une petite quantité de ferment, comme cela se pratiquait avant lui, il fait écouler, en un mince filet, ces jus dans une cuve à demi remplie du liquide vineux d’une opération précédente en pleine fermentation. On voit que dans ce cas le liquide sucré qui s’écoule en faible quantité rencontre une grande masse de liquide contenant en suspension la levure la plus active, dont il entretient lui-même la reproduction. C’est une fermentation qui se régularise par sa continuité même, favorisée d’ailleurs à l’aide de la légère réaction acidulé que produisent les acides végétaux de la betterave, déplacés par une addition de 1 1/2 à 2 millièmes d’acide sulfurique. Très généralement le moût du jus de betterave fermenté donne, par une première distillation continue, de 8 à 10 centièmes de son volume d’alcool à 50 degrés. Cette quantité se réduit à peu près à la moitié lorsqu’on la rectifie à l’aide d’un appareil distillatoire spécial dit rectificateur, qui élève le degré de 50 à 90 ou 94. Cette dernière opération se pratique soit dans la même usine où la distillation s’est faite, soit dans un établissement central de rectification. En tout cas, elle a pour but d’obtenir un produit alcoolique aussi pur que possible, en éliminant, par une distillation bien ménagée, les produits à odeur forte, plus volatils que l’alcool, et qui se distillent les premiers. On élimine encore ainsi des huiles essentielles, moins volatiles que l’alcool, et qui passent les dernières à la distillation.

Un nouvel appareil distillatoire importé d’Angleterre et monté en grand par M. Cail, qui l’essaie en ce moment, semble pouvoir réunir les deux opérations de la distillation et de la rectification en une seule. En théorie, les difficultés que présenteront les dispositions nouvelles et la direction de cet appareil ne paraissent pas insurmontables, car il suffirait de faire circuler le jus fermenté d’abord dans un vase chauffé à une douce température, qui éliminerait en vapeurs condensées à part les composés odorans les plus volatils,