Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les produits des diverses autres matières premières, et en outre de laisser des résidus propres à la nourriture du bétail. D’un autre côté pourtant, elles occasionnaient une diminution notable dans la production du sucre, et par suite le renchérissement de cette substance si utile à l’alimentation salubre des hommes. D’ailleurs il était facile de prévoir que la distillation des betteraves dans les grandes sucreries ne survivrait pas au changement des circonstances qui avaient déterminé la transformation des usines. Les fabricans se trouveraient dès lors naturellement replacés dans les conditions où précédemment, avant la maladie de la vigne, ils croyaient plus avantageux d’extraire le sucre de la betterave que de le transformer en alcool.

Une partie de ces prévisions se réalise aujourd’hui, car le matériel des sucreries retourne à sa destination première, et cependant ce ne sont pas les motifs prévus de ce revirement qui l’occasionnent, car l’alcool du vin n’a pas d’importance encore sur le marché, si tant est qu’il doive en acquérir beaucoup cette année. D’ailleurs, si l’industrie sucrière indigène reprend en effet le cours de ses progrès, momentanément interrompus, la fabrication de l’alcool de betterave continue de se développer, mais dans une tout autre voie que celle primitivement explorée. C’est qu’au milieu des travaux entrepris en vue de fabriquer l’alcool avec diverses matières premières, en mettant à profit les appareils et procédés connus, une idée nouvelle avait surgi, et deux moyens particuliers s’offraient pour la réaliser en grand.

Un inventeur dès longtemps familiarisé avec les opérations des sucreries et des distilleries de betteraves, M. Champonnois, s’était dit : « Ne pourrait-on organiser la distillation de façon à obtenir surtout de la racine saccharifère les substances nutritives pour les animaux des fermes après la transformation de la plus grande partie du sucre en alcool et acide carbonique ? » Dans cette pensée, l’alcool devenait l’accessoire, tandis que la pulpe, si peu abondante dans les sucreries transformées, négligée pendant longtemps comme un inutile résidu par les anciens macérateurs, formait le produit principal. Alors aussi toutes les variations des cours commerciaux devaient bien moins affecter l’industrie, rendue presque exclusivement agricole, et dont le principal produit devait être consommé dans les fermes. Telle est l’idée simple et féconde qui conduisit M. Champonnois à introduire dans les procédés en usage et dans la marche des opérations un changement dont il nous reste à dire un mot.

Au lieu d’employer l’eau ordinaire à déplacer le jus sucré des betteraves découpées en minces bandelettes, l’inventeur se sert du liquide appelé vinasse, sortant de l’alambic épuisé de l’alcool qu’il