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racines, pourvu qu’on ne néglige pas quelques dispositions d’aérage » Un moyen de conservation, déjà exploité sur une vaste échelle, pourrait convenir à tous les climats, chauds, tempérés ou froids, à tous les pays où le combustible se rencontre à bas prix : il consiste à diviser au coupe-racines les betteraves en petits prismes que l’on fait dessécher sur une plate-forme en tôle percée ou bien en toile métallique traversée par un continuel courant d’air chaud, comme les tourailles employées par les brasseurs pour dessécher l’orge parvenue au terme utile de sa germination[1].

Tels sont les principes auxquels est soumise la culture industrielle de la betterave ; mais là où finit la tâche du cultivateur commence une autre série d’opérations qui appellent aussi l’intervention de la science, marquée ici encore par d’importans résultats.


III

La betterave saccharifère étant produite dans des conditions satisfaisantes, il reste à examiner quels sont les procédés aujourd’hui en usage pour en retirer le sucre.

Dans la plupart des sucreries indigènes, les betteraves, après avoir été cultivées, récoltées et mises en silos, sont portées d’abord au aveur mécanique, puis réduites à l’état de pulpe fine à l’aide d’une râpe, dont le principal organe est un cylindre en fonte, armé de lames de scie, mû, comme tous les agens mécaniques de l’usine, par une machine à vapeur qui lui transmet un mouvement d’environ huit cents tours par minute. Des presses hydrauliques, dont l’action représente un poids de 900,000 kilos sur la surface du piston, expriment le jus, dont la quantité obtenue équivaut aux 85 centièmes du poids de la pulpe. Le jus s’écoule directement dans un cylindre d’où la force élastique de la vapeur, introduite parle simple jeu d’un robinet, le refoule à un étage supérieur dans une des chaudières dites à déféquer[2].

  1. Le procédé de la dessiccation des betteraves et du traitement des cossettes ou bandelettes de la plante, mis en pratique par M. Schuzembach en Allemagne, introduit en France par MM. Serret, Duquesne, Hamoir, employé à la vaste usine de MM. Herbet et Cie à Bourdon (Puy-de-Dôme), ne s’est pas généralisé dans les sucreries ; il peut fournir en certaines circonstances la matière première des distilleries. M. Maumenée, professeur de chimie à Reims, a plus récemment proposé d’appliquer à la conservation du jus de betteraves la propriété (indiquée par M. Daniel, scientifiquement étudiée par M. Péligot, essayée en grand par M. Kuhlmannde Lille) qu’offre la chaux de former avec le sucre un composé (sucrate de chaux) peu altérable. Ce procédé est actuellement soumis à une étude approfondie.
  2. Du mot grec ( ?) (épaississement) et du mot latin fax (dépôts, lies). La fonction de cette chaudière consiste à provoquer la formation d’une écume épaisse et d’un dépôt qui entraînent la plus grande partie des substances étrangères au sucre, et que l’on élimine en soutirant le liquide clarifié. Quant au cylindre qui reçoit le liquide des presses et l’élève sous l’effort de la vapeur, on le désigne sous le nom de monte-jus ; c’est une sorte de pompe sans piston et sans soupape à l’abri de tout engorgement, et qui est spontanément nettoyée par chaque injection de vapeur.