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Nous n’avons pas parlé de l’arrangement du Théâtre-Lyrique et des modifications de toute nature que messieurs les faiseurs de l’endroit ont cru devoir faire à la partition de Weber. Le changement des noms si connus des personnages est une fantaisie qui ne conduira pas ces messieurs à la postérité. A tout prendre, nous aimons encore mieux le personnage d’Églantine que cette figure de la magicienne Zarah, qui en tient la place au Théâtre-Lyrique. L’exécution est du moins suffisante, et si Mme Rey avait une voix plus forte, elle ne serait pas trop déplacée dans le rôle si important d’Euryanthe. Les chœurs l’emportent cette fois sur l’orchestre pour l’ensemble et la vigueur. Tel qu’on l’exécute au Théâtre-Lyrique, le chef-d’œuvre de Weber vaut bien la peine qu’on se dérange. On sort l’âme rajeunie, car une simple goutte de poésie est plus fécondante que des tonneaux d’opéras-comiques comme le Cheval de Bronze.

Les Bouffes-Parisiens, qui ont tant fait parler d’eux pendant les accablantes chaleurs de la canicule, et qui ont osé franchir le détroit de la Manche sur leur frêle embarcation, sont réinstallés dans leur petite salle du passage Choiseul. Je ne sais si la fortune répond toujours à leurs efforts par un gracieux sourire, mais ils méritent parfois que la critique ne dédaigne pas de mentionner leurs victoires, quand elles sont remportées sans trop de grimaces. Par exemple, l’Opéra aux Fenêtres, de M. Gastinel, est un petit acte de bon aloi, d’une musique agréable, facile, et qui se tient d’aplomb sur ses deux jambes, ce qui n’arrive pas toujours. Un joli quatuor, pendant la nuit, quand je sommeille, pourrait être chanté dans un salon sans exciter de scandale. Tout récemment, les Bouffes-Parisiens ont remporté une autre victoire, le Mariage aux Lanternes, dont M. Offenbach a écrit la musique svelte, remplie de petits bruits, d’étincelles mélodiques et d’une gaieté communicative. Le verre de M. Offenbach n’est pas grand, mais il boit dans son verre de la piquette. Cette fois-ci il a rencontré juste, et, n’y eût-il dans le Mariage aux Lanternes qu’un agréable et frétillant quatuor et un duo pour deux voix de femmes, dans le genre de celui du Maçon, de M. Auber, que cela suffirait pour tuer un quart d’heure de loisir. Si M. Offenbach pouvait diriger sa nacelle avec des opérettes comme l’Opéra aux Fenêtres et le Mariage aux Lanternes, il obtiendrait plus souvent des marques de notre sympathie. Peut-être qu’alors les consommateurs de propos grivois se dégoûteraient d’un plaisir si fade, ce qui serait un grand bonheur pour l’avenir des Bouffes-Parisiens.

— Sœur Anne, ne vois-tu plus rien venir?

— Rien que le vent qui poudroie et Giacomo Meyerbeer qui s’enfuit de Paris les poches pleines de partitions inédites.


P. SCUDO.


V. DE MARS.