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d’œuvre symphoniques qui précèdent le Freyschütz et Oberon. Composée, comme toujours, de phrases empruntées à la partition même, dont elle résume le caractère, elle ne présente pas à l’imagination une peinture saisissante, un raccourci saillant de l’œuvre qui va se dérouler sous les yeux du public. La première partie, vigoureuse et martiale, qui reparaîtra au premier acte, dans la grande scène du défi, est rattachée au second motif, infiniment plus original, par une transition de quelques mesures, puis le maître les reprend tous deux et les soumet à un travail pénible où les modulations se heurtent sans produire de lumière. La seconde phrase, confiée aux violons, devient le thème de la conclusion, qui ne manque pas d’éclat. L’exécution de cette ouverture est molle au Théâtre-Lyrique, les violons n’étant pas assez nombreux pour supporter le poids des instrumens à vent qui interviennent si fréquemment dans la musique de Weber.

Le premier acte s’ouvre au château du roi par un chœur charmant où les dames et les chevaliers célèbrent tour à tour et puis ensemble les douceurs de la paix et de l’amour. Survient le preux Adolar, qui, sur une invitation du roi, chante une tendre romance aux bords fleuris de la Loire. C’est la scène du second acte des Huguenots, modifiée par MM. Scribe et Meyerbeer. La romance que chante Adolar est de ce tour mélodique, tendre et pénétrant, qu’affectionnait Weber. Le troisième couplet surtout est relevé par un accompagnement pittoresque qui est un commentaire délicieux des paroles, où la description du phénomène extérieur de la nature tient plus de place que l’expression de ce qu’éprouve le personnage qui parle. Ainsi Adolar compare la beauté et la chasteté d’Euryanthe à une rose dont les vents et la tempête n’ont pu flétrir la fraîcheur. Le musicien s’empare de cette seconde partie de l’image dont il forme un tableau lyrique par les couleurs de l’instrumentation. Tout le génie de Weber est dans cette manière de procéder. Au moment où Adolar va recevoir la récompense de sa bravoure en épousant la belle Euryanthe, Lysiart trouble son bonheur en se vantant de prouver la fragilité d’une vertu si prônée. Il en résulte une scène où la colère, l’amour et le désespoir s’entre-choquent dans un ensemble plein de vigueur et de flamme guerrière. C’est ce qu’on appelle la scène du défi. La cavatine d’Euryanthe, où elle exprime moins le sentiment qui la pénètre que le ravissement que lui fait éprouver le spectacle de la belle nature qui est devant elle, cette romance en ut majeur est courte, mais suave. Le duo pour deux voix de femme entre Euryanthe et sa fausse amie Églantine est un délicieux madrigal qui rappelle un peu le duo du Freyschütz, sans le valoir. Le finale du premier acte au contraire est un chef-d’œuvre d’élégance chevaleresque. Le mouvement à six-huit, sur lequel Euryanthe brode les gracieuses arabesques où éclate son bonheur, est quelque chose de ravissant. Weber reproduira la coupe de ce morceau exquis dans le finale du premier acte d’Oberon, et ses émules ne manqueront pas de l’imiter. Le compositeur qui en a le mieux profité est Hérold.

Le second acte commence par un air de basse que chante le traître Lysiart, et dont la couleur sombre et démoniaque a trouvé aussi bien des imitateurs. Le duo pour basse et soprano qui vient après entre Églantine et Lysiart est péniblement écrit, et renferme d’affreuses difficultés d’intonation qui ne peuvent être accessibles qu’à des instrumentistes. Ce n’est pas le seul mor-