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tout depuis la paix de Paris. À dater de ce moment, on a vu surgir un embarras indéfinissable que le cours des choses ji’a fait que développer. La France n’a point cessé d’être l’alliée de l’Angleterre, mais elle s’est trouvée en contradiction avec elle sur plusieurs points essentiels, tandis qu’elle se rencontrait au contraire sur ces mêmes points avec le gouvernement russe. D’un autre côté, la guerre avait laissé la Russie et l’Autriche dans une sorte d’hostilité sourde. Était-ce un effet fortuit des circonstances ? Toujours est-il qu’il semblait s’opérer un double rapprochement entre la France et la Russie d’une part, entre l’Autriche et l’Angleterre de l’autre, — que la politique des dernières années déviait insensiblement, et que deux camps se formaient en Europe. La question des principautés a mis récemment cette situation dans tout son jour. Or, dans ces conditions et à ce point de vue, quel’est le sens de tous ces voyages de souverains ? Il est bien clair d’abord que l’entrevue de Stuttgart n’implique nullement un refroidissement de l’alliance de la France et de l’Angleterre ; cette alliance subsiste dans toute son intégrité. L’Angleterre était probablement assez bien renseignée pour ne prendre aucun ombriige des visites en Allemagne. En même temps l’entrevue de Weimar a-t-elle dissipé tous les ressentimens qui divisaient la Russie et l’Autriche ? Elle peut du moins avoir pour effet de substituer à des rapports pleins d’aigreur des relations moins difficiles, plus bienveillantes ; elle fait sortir l’Autriche de l’isolement où elle a semblé se trouver un instant. Et ceci revient à dire que tout ce mouvement de voyages et de visites a pu effacer des animosités sans modifier des systèmes politiques, créer des amitiés nouvelles sans briser d’anciennes alliances, réveiller enfin chez tous les gouvernemens le sentiment commun de la nécessité des transactions dans le règlement des difficultés qui existent encore en Europe. Le reste est l’affaire de l’avenir, ce souverain et dernier maître de toutes les résolutions.

La première question où se rencontreront les gouvernemens européens pour s’arrêter à une détermination collective va être encore cette affaire des principautés danubiennes, dangereux héritage légué par la guerre à la diplomatie. Ce qu’ont été les élections dans la Moldavie, on le sait déjà. Le résultat est plus compliqué dans la Valachie. Dans son ensemble, il est vrai, ce résultat est entièrement favorable à l’union : c’est le point désormais hors de doute ; mais ici commencent les complications, car le parti de l’union, qui a triomphé en Valachie, est lui-même divisé. Il y a une fraction de libéraux modérés et une fraction de libéraux progressistes. Quelques-uns des hommes mêlés au mouvement révolutionnaire de 1848 ont été élus. Ne résultera-t-il pas de cette composition du divan de la Valachie une certaine confusion dans l’expression des vœux relatifs à l’administration intérieure du pays ? Dans tous les cas, il y aura un point sur lequel toutes les opinions se rallierront, et ce point est l’union. Ainsi en Valachie et en Moldavie les mêmes tendances se dessinent ; le sentiment des populations, sans être encore officiellement constaté, se prononce de plus en plus en faveur de la fusion des deux provinces. Est-ce à dire, comme nous l’indiquions récemment, que tout soit résolu, si les divans émettent un vœu qu’il est facile de prévoir ? Ce n’est là au contraire que le premier pas et le moins décisif, car, en passant dans le congrès, l’affaire prend un tout autre caractère ; elle devient une affaire européenne, une question à régler entre gouvernemens qui ont des droits