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Hier, Pôl, notre évêque, a vu brûler mon cierge.
Ma longue chevelure est celle de la Vierge.
Robustes sont nos bras, car nous semons les blés,
Nous, femmes, quand sur mer les hommes sont allés.
Qu’un navire se brise et sombre sur nos côtes,
Les pauvres naufragés, Dieu le sait, sont nos hôtes.
Si chez vous je descends, c’est que dans mon sommeil
Mon frère, qui voyage au pays du soleil.
Pâle, m’a visitée. Il gardait, l’enfant mousse.
Et sa douce figure et sa parole douce :
« Sœur, aux saints du pays faites une oraison.
Ou plantez une croix devant notre maison ;
Puis le prêtre étendra cette croix sous la terre,
Avec mon nom écrit, le nom de votre frère... »
Non, il ne mourra pas, celui que, tout enfant.
Ma mère me légua comme un fils en mourant !
Enfant que j’ai tenu sur les fonts de baptême,
La poudre a dessiné mon cœur sur ton cœur même ;
Grandi, tu reviendras, le corps et l’esprit sains :
Sur la terre et sur l’eau j’ai prié tous les saints ! »

III.


« — Encor, encor, Brita, tes paroles naïves!
Cœur simple, esprit ouvert aux choses primitives,
Aujourd’hui j’ai fermé le livre du savoir;
Au livre de la vie, amoureux j’aime à voir... »

Mais l’inspiration expirait sur sa lèvre,
Comme le chant du barde après l’heure de fièvre.
« — Si je revois Marie et la fille d’Hoël,
Ou la belle Nola, compagne de Primel,
Je leur dirai ton nom, Brita, blonde ilienne,
Sous tes cheveux flottans druidesse chrétienne ! »

IV.


Or ses trois compagnons, marins en cheveux blancs,
Des moulins revenaient, sous leurs sacs tout tremblans.
Le plus vieux souleva son vieux bonnet de laine,
Et s’essuyant le front, et reprenant haleine :
« — C’est un vrai paradis! Des taillis, des ruisseaux,
Et partout la chanson plaisante des oiseaux !
Quand le moulin moulait, moi, sous les feuilles vertes,
J’avais, comme un enfant, les oreilles ouvertes