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des Alpes bernoises, beaucoup plus connus des touristes, entre autres les deux grands glaciers de Grindelwald et le petit glacier escarpé de Rosenlaui, dont on va admirer les pures et brillantes couleurs. Sur le glacier de l’Aar, on peut monter facilement jusque dans l’intérieur des vastes cirques où s’accumulent les ; neiges, et dominer les masses immenses qui descendent vers la vallée. M. Agassiz alla, plusieurs années de suite, s’y établir pendant l’été. Dans l’origine, il n’avait, avec les savans qui l’accompagnaient, d’autre abri qu’un gigantesque bloc de gneiss, placé sur la moraine médiane, et qui reçut le nom pompeux d’hôtel des Neuchâtelois. On passait la nuit sur la paille, à côté du rocher, qui n’offrait qu’un abri insuffisant et même assez dangereux. Comme il fallait avoir une base parfaitement stable pour les instrumens, M. Dollfus-Aousset établit sur un rocher qui s’élève en promontoire au-dessus du glacier une tente, et plus tard une maisonnette en pierres sèches. Après les travaux du jour, M. Agassiz et ses amis y trouvaient un abri que la libéralité de M. Dollfus-Aousset avait rendu aussi agréable que possible. Tous ceux qui ont eu la bonne fortune d’assister à ces réunions intimes se les rappellent avec le plus vif plaisir : l’imagination de M. Agassiz, s’animant dans ces lieux sauvages, répandait un charme toujours nouveau dans des conversations où les problèmes de la géologie, les mystères de l’histoire naturelle, étaient abordés, tour à tour et discutés avec autant de verve que de clarté. La pléiade réunie autour de lui était bien digne de recevoir les leçons et les confidences d’un esprit aussi élevé : c’était M. Desor, qui, dans des récits pittoresques, a retracé les excursions de M. Agassiz sur les glaciers et dans les hautes régions des Alpes, et a participé pendant longtemps à ses études d’histoire naturelle. C’étaient M. Collomb, qui a publié des observations pleines d’intérêt sur les anciens glaciers des Vosges : — M. Charles Vogt, naturaliste allemand, que M. Agassiz choisit pour collaborateur dans ses travaux sur les poissons, qui depuis joua un rôle important au parlement de Francfort, et vient d’être appelé récemment à Genève pour y professer la géologie ; — M. Dollfus, qui chaque année continue les observations commencées par M. Agassiz. Parmi les visiteurs, nommons M. Charles Martins, le plus zélé peut-être et le plus enthousiaste de tous les glacialistes[1] ; M. Forbes, un savant anglais, qui entreprit lui-même des expériences sur le glacier des Bossons, et à qui ses beaux ouvrages sur les Alpes et la Norvège ont valu une réputation bien méritée. Quelle que soit la valeur des travaux de ces hommes éminens, il ne faut point oublier

  1. Voyez, dans la Revue du 1er mars 1847, une étude de M. Ch. Martins sur la Période glaciaire et sur les glaciers du Mont-Blanc.