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gine contenait 5 grammes d’argent, au titre de 9/10es de fin, n’en renferme plus que !i, que 3, et toujours de moins en moins. Le balancement alternatif en vertu duquel, à la faveur de l’hypothèse mensongère de deux étalons, on prendrait constamment pour type de fait le métal qui se serait relativement avili, serait un nouveau procédé avec lequel on arriverait exactement au même résultat que cherchaient et obtenaient les princes de l’ancien régime, lorsque, clandestinement ou effrontément, ils mettaient du cuivre dans leurs écus, ou qu’ils changeaient par des édits la dénomination en livres des anciennes espèces[1]. De cette manière, on descendrait, dit M. Bérenger, du franc au 76e de franc, tout comme les rois faux-monnayeurs de l’ancien régime avaient réduit la livre au 76e de livre[2].

Parmi les auteurs de la loi du 7 germinal an XI régnait donc un parfait accord sur les principes, c’est-à-dire sur la convenance absolue d’un seul métal étalon, sur le choix de l’argent pour cette attribution, ce qui impliquait la subordination de l’or, et enfin sur l’encadrement de l’unité monétaire dans le système métrique. Le projet de loi a traversé sept rédactions successives, qui sont invariables sur ces idées fondamentales. Quant à la formule de la subordination de l’or, c’est ou ce semblait être un point d’importance secondaire sur lequel on variait comme je vais le dire.

Jusqu’au moment où l’on élabora la loi qui porte la date du 7 germinal an XI, deux opinions seulement s’étaient produites à ce sujet; suivant l’une et l’autre, on aurait eu des pièces d’or d’un poids fixe en rapport simple avec l’unité de poids; presque tout le monde voulait même que ce poids fût de 10 grammes; seul l’Institut avait

  1. dans l’exposé historique succinct qu’on vient de lire, on a pu voir que quelques-uns de ces princes avaient joué aussi sur le balancement alternatif entre les deux métaux; mais en somme ce ne fut guère qu’un accessoire dans le système de faux monnayage de l’ancien régime.
  2. Expliquons ceci par le moyen d’un calcul hypothétique. Le franc étant 5 grammes d’argent au titre de 9/10es de fin, l’équivalent en or consiste actuellement en 32 centigrammes 1/4 au même titre. Si, l’or tombant à dix fois l’argent, on établit que le franc restera formé de cette quantité d’or, il faudra refaire la monnaie d’argent de telle sorte que le franc ne se composera plus que de 3 grammes 1/4, toujours au titre de 9/10es. Que l’argent baisse à son tour; si la baisse est telle que le rapport remonte à 1 : 15 1/2, dans ce système on conservera 3 grammes 1/4 d’argent pour le franc, et l’or devra être remonnayé de sorte qu’il n’y en ait plus pour 1 franc que 21 centigrammes. Une nouvelle baisse de l’or survenant, si elle est ce qu’il faut pour ramener le rapport de 1 à 10 entre les deux métaux, par une opération semblable, le franc ne sera plus que de 2 grammes 1/10e d’argent. On voit qu’on peut ainsi marcher très vite dans la voie de l’abaissement des monnaies, et refaire d’une autre façon ce qui a valu dans l’histoire une si mauvaise note à Philippe le Bel, à Philippe de Valois, et à leurs émules en fausse monnaie.