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tinée, disait-elle, à valoir toujours un franc, lors même que des circonstances futures viendraient à avilir ou à accroître la valeur intrinsèque du métal dont elle est composée. »

Quant à l’or, la commission des anciens, de même que celle des cinq cents, qui avait préparé le projet de loi, regardait comme définitive la disposition de la loi de l’an III établissant que la pièce d’or serait de 10 grammes, au titre de 9/10es de fin. Elle déclarait que le système consistant à avoir des pièces d’or d’un poids fixe, dont la valeur varierait, était « aujourd’hui reconnu comme incontestablement préférable » à celui dans lequel on aurait refondu de temps en temps ces pièces, afin d’en proportionner le poids à une valeur fixe convenue une fois pour toutes. Elle reprochait au projet des cinq cents de laisser indéterminée jusqu’à nouvel ordre la valeur de la monnaie d’or par rapport au franc, c’est-à-dire par rapport à l’argent. La promesse qu’il y aurait une loi à cet effet lui semblait insuffisante; à ses yeux, c’était un point à régler sans délai par la loi même qu’on élaborait. Pour cet objet, la commission des anciens allait au-delà de ce que portaient les ci-devant articles 5 et 6 qu’au dernier moment la commission des cinq cents avait effacés de son travail. Reconnaissant sans hésiter que la valeur de la pièce d’or était mobile par la force même des choses, la commission des anciens aurait voulu que tous les ans une loi déterminât cette valeur d’une manière générale, non-seulement pour les paiemens à faire entre les contribuables et l’état ou entre l’état et ses créanciers, mais pour tous les cas, d’après le cours du change et les variations survenues dans le rapport entre l’or et l’argent chez les principales nations de l’Europe[1].

En proposant le rejet de la loi, la commission des anciens se fondait moins sur les lacunes que je viens de signaler d’après elle que sur tout un faisceau d’autres objections, dirigées contre diverses clauses qu’on avait insérées dans le projet, et dont quelques-unes étaient étrangères à la constitution même du système monétaire[2].

  1. Je reproduis ici le passage du rapport qui concerne cet objet :
    « C’en est assez pour indiquer qu’il est indispensable de placer dans une loi générale sur les monnaies la fixation de la valeur légale des monnaies d’or anciennes et nouvelles. Cette valeur, comme nous l’avons dit, étant mobile de sa nature, le corps législatif qui l’aura déclarée une première fois devra la déclarer encore à toutes les époques où il sera nécessaire.
    « Le directoire serait chargé de transmettre chaque année son avis au corps législatif sur la convenance de changer la valeur légale des pièces d’or anciennes et nouvelles. Il en résulterait une loi qui déclarerait ce changement. Par là serait conservée toute l’influence que la monnaie d’or peut exercer par sa libre circulation. Le corps législatif se déterminerait par une moyenne proportionnelle déduite des changes et des variations survenues dans le rapport de l’or à l’argent chez les principales nations de l’Europe. »
  2. Voici les conclusions du rapport de M. Cretet :
    « La commission croit que le système de la résolution (c’est le nom que portaient les projets envoyés par les cinq cents aux anciens) doit être approuvé par le conseil des anciens, mais qu’elle contient des vices qui s’opposent à son adoption :
    « Parce qu’elle tend à empêcher toute fabrication actuelle dans les hôtels des monnaies, faute de donner un délai suffisant pour établir les types qui doivent servir à la fabrication des monnaies nouvelles;
    « Parce qu’en soumettant l’arriéré des contributions à être payé en une monnaie nouvelle, plus forte de 1 et trois quarts pour 100 que les anciennes, elle augmente la quotité de ces contributions, et que cette surcharge inégale ne porterait que sur les citoyens qui n’ont pas encore pu se libérer;
    « Parce que, fixant à cet égard l’exécution de la loi à l’époque de sa promulgation, elle syncope l’exercice annuel des contributions, qu’elle soumet l’exercice de l’an VI à une double comptabilité, et qu’elle expose ainsi les fonctions des receveurs et percepteurs à une complication contraire à toute espèce d’ordre et à toute surveillance sur leur fidélité;
    « Parce que la résolution n’est pas générale, et qu’elle omet de statuer sur le retirement des anciennes monnaies circulantes dans les départemens réunis;
    « Enfin parce que, laissant la valeur légale des monnaies d’or dans l’indétermination, elle met non-seulement un obstacle à la fabrication des pièces nouvelles, mais qu’elle paralyse la circulation si nécessaire des pièces anciennes.
    « Tels sont, citoyens représentans, les motifs généraux qui déterminent votre commission à vous proposer de rejeter la résolution; elle a indiqué quelques autres objections qui pourraient provoquer des perfectionnemens dans la nouvelle résolution; elle les abandonne à la sagesse du conseil des cinq cents.
    « Votre commission propose au conseil de déclarer qu’il ne peut approuver. »