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examiner si les conditions physiques qui en règlent le mouvement s’accordent pleinement avec cette brillante théorie.

Sur les cimes les plus élevées des Alpes, dont l’éblouissante blancheur dessine des lignes si pures dans le ciel, la neige est à l’état de poussière fine et sèche ; elle devient plus granuleuse dans ces grands cirques d’où sortent les glaciers, et que dans la Suisse on appelle les névés. Enfin dans les glaciers mêmes la neige est convertie en une sorte de glace grenue et pénétrée de bulles d’air. On ne retrouve point une succession pareille sur toutes les montagnes assez hautes pour être recouvertes de neiges perpétuelles : il n’y a point de glaciers sur les sierras neigeuses de l’Amérique, dont quelques-unes sont beaucoup plus élevées que le Mont-Blanc ; mais quand on sort de la zone tropicale et qu’on pénètre dans la zone tempérée, le niveau des neiges éternelles s’abaisse de plus en plus, et les glaciers s’étendent en rameaux au-dessous de cette ligne. À cette zone appartiennent les glaciers de l’Himalaya, des Alpes, de la Scandinavie. Dans la zone polaire enfin, ces fleuves solides descendent au niveau même de la mer et prennent les proportions les plus formidables. Il semble donc qu’il y ait une concordance remarquable entre la latitude et la formation des glaciers. M. Élie de Beaumont, qui n’est pas seulement géologue, mais encore physicien, qualité qui a malheureusement manqué à la plupart des personnes qui ont étudié la matière, a le premier donné la raison de ces différences ; il a fait voir que les glaciers se forment d’autant plus aisément que le contraste entre les saisons est plus tranché. Cette condition est d’autant mieux remplie qu’on s’éloigne plus de l’équateur, où les températures extrêmes de l’année sont renfermées entre les limites les plus rapprochées. Dans la zone tempérée, un hiver prolongé refroidit lentement les névés. Quand arrive la saison chaude, les neiges superficielles fondent ; l’eau, pénétrant dans les interstices d’une masse dont la température est inférieure à zéro, s’y convertit immédiatement en glace. Ainsi les neiges des hautes régions alpines se pénètrent de glace chaque année, elles prennent peu à peu le caractère de véritables glaciers, et en même temps qu’elles subissent cette transformation, elles descendent graduellement vers les vallées.

Les glaciers sont en effet animés d’un mouvement lent qui s’accélère pendant l’été, sans être jamais complètement arrêté, même pendant l’hiver. Quand on s’y promène, on croit être sur une surface parfaitement immobile ; mais, pour comprendre que cette immobilité n’est qu’apparente, il suffit de se rappeler que le pied du glacier fond constamment, et qu’il s’arrête pourtant à un niveau qui n’est pas modifié sensiblement pendant une longue période d’années. Il faut donc que les neiges descendues des sommets viennent incessamment