Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/835

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tème des voies ferrées au nord du Piémont, déjà desservi par le Victor-Emmanuel, à qui incombe en outre le privilège d’assurer toutes les relations du nord-ouest. On a vu que les intérêts de l’est étaient déjà suffisamment sauvegardés. Si donc il existe encore une lacune dans l’ensemble des grands travaux publics destinés à développer la prospérité des états de terre ferme, elle ne saurait se remarquer que dans la partie sud-ouest de ces états. Or il est juste de reconnaître que, malgré les avantages offerts au commerce par les rapports maritimes de Gênes, de Nice, de Port-Maurice avec Marseille, les difficultés mêmes de la navigation et les brusques changemens de temps sur la Méditerranée commandent l’ouverture de communications plus faciles entre la France et la partie sud du Piémont. Divers projets avaient été présentés, aucun n’a été adopté jusqu’à ce jour : il n’en saurait être longtemps ainsi. Quand un chemin de fer français aura rejoint Nice, un chemin piémontais ira sans doute de Nice jusqu’à Gênes, et d’autre part les embranchemens qui de Turin s’arrêtent à Pignerol, à Saluées et à Coni, et qui forment aujourd’hui des exploitations morcelées, isolées et coûteuses, se réuniront, au grand avantage de leurs propriétaires, en un seul groupe, et se prolongeront vers Savone, Nice et la France.

Toutefois, si le gouvernement du Piémont a pu jusqu’ici, — grâce à des ministres éclairés, grâce au patriotisme de ses habitans, au concours de ses voisins, — établir avec une grande habileté et une merveilleuse promptitude un système de voies ferrées à peu près suffisant pour les besoins locaux et internationaux qu’il est appelé à satisfaire, quel est l’avenir de toutes ces entreprises au point de vue de l’intérêt financier? Quel prix rémunérateur le capital national et étranger avec lequel elles se sont constituées est-il appelé à recueillir?

Les chemins entrepris par l’état ont coûté en moyenne 500,000 fr. par kilomètre. L’industrie privée a, sur les plus anciennes lignes, payé de 120 à 170,000 fr. par kilomètre[1]. La compagnie du Victor-Emmanuel aura à dépenser 80 millions environ pour construire les lignes qui lui ont été concédées directement et rembourser le capital des chemins rachetés, soit, pour 400 kilomètres, environ 200,000 fr. par kilomètre, sans comprendre, il est vrai, la subvention de 20 millions pour la traversée du mont Cenis, qui fait l’objet d’un emprunt spécial et particulier. La compagnie de la ligne d’Italie a porté son capital à 60 millions pour faire face à la construction des six lignes qui constituent son réseau de 400 kilomètres; la dépense kilométrique s’élèverait donc à 150,000 fr. seu-

  1. Chemin de Bra, 120,000 francs; chemins de Novare et de Pignerol, 170,000 fr.