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qu’on retrouve en entrant sur le territoire piémontais et qu’on salue avec joie la mer aux golfes arrondis, aux rivages plantés d’aloès et de lauriers roses, on est agréablement frappé de la physionomie nouvelle des hommes en général et des douaniers en particulier. A l’empressement servile du fonctionnaire napolitain, à la politesse mielleuse du chef de bureau romain, à la brutalité facilement adoucie du préposé des petits duchés, succède l’accueil froid et ferme, mais honnête, du douanier piémontais. Les formalités de visite et de visa sont accomplies désormais comme des devoirs, et ne semblent plus des pièges tendus à la bourse du passant. A cet incident, futile en apparence, mais au fond très significatif, succèdent bientôt d’autres impressions plus sérieuses et plus satisfaisantes encore. A mesure que des jardins fertiles de la rivière ligurienne on monte à travers les plaines du Montferrat, et qu’on s’avance par les pentes des Apennins vers la capitale du Piémont pour atteindre la Savoie, on est de plus en plus frappé du caractère viril de la population et de la persévérante énergie qui se manifeste dans ses œuvres. La haute stature des hommes, les belles proportions des femmes, l’aspect des habitations, d’une propreté moins scrupuleuse qu’en Belgique et en Allemagne, mais larges, aérées, saines; la solidité massive des ouvrages d’art, la bonne construction des routes, des chemins de fer, l’apparence monumentale des gares, tout indique au voyageur qu’il pénètre sur un sol libre, dont les habitans, — aussi bien les hardis marins de Gênes que les montagnards de la Savoie, — possèdent les mâles vertus qui préparent aux grands sacrifices et aux rudes combats.

Nul doute que cette physionomie extérieure n’attire l’attention, et ne prédispose favorablement à l’étude d’un pays dont le rôle historique a de l’importance dans le passé comme dans le présent. Les travaux où l’on a ici même exposé à plusieurs reprises la politique intérieure et extérieure du Piémont témoignent de cette sollicitude, si naturellement éveillée. Il ne saurait par conséquent paraître inopportun d’envisager ce même pays sous un autre point de vue. En recherchant hors de la France et près d’elle l’emploi de notre propre capital, on trouve en effet que nulle part son concours n’est plus actif et plus efficace qu’en Piémont, et c’est pour reconnaître les conditions actuelles et le prix à venir réservé à notre coopération, qu’il devient utile d’examiner la situation des finances et l’état industriel du royaume de Sardaigne, comme on l’a fait pour l’Autriche et l’Espagne[1].

  1. Voyez les livraisons du 15 août 1856 et du 15 avril 1857.