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diminuer la conductibilité, semblait en quelque sorte l’augmenter, comme si la gutta-percha fortement comprimée isolait mieux les fils de cuivre placés à l’intérieur.

Un premier insuccès ne doit point décourager les promoteurs du télégraphe atlantique : il eût été assez étonnant qu’on eût réussi du premier coup à traverser l’Océan sur une immense longueur, quand presque toutes les entreprises du même genre, exécutées dans des bras de mer peu profonds, ont généralement échoué au début. N’a-t-on pas brisé des câbles sous-marins dans la Mer-Noire, entre Terre-Neuve et l’île du Prince-Edouard, et à deux reprises dans la Méditerranée? La portion du câble de l’Atlantique qu’on a immergée sans accident est plus étendue que le câble de Varna à Balaclava, le plus long qui ait jusqu’ici réuni deux rivages opposés. La profondeur de la Mer-Noire est d’ailleurs si insignifiante, quand on la compare à celle qu’on a pu atteindre dans l’Océan-Atlantique, que personne ne voudrait songer à comparer les difficultés des deux opérations.

Quelles leçons faut-il tirer de cette première expérience en prévision d’une tentative nouvelle? C’est ce qu’il nous reste à examiner. L’ingénieur en chef, M. Bright, assure qu’il n’y a presque rien à changer à la machine qui sert à opérer l’immersion, et qu’elle a fonctionné tout le temps avec une parfaite régularité : il nous semble pourtant qu’il serait préférable de laisser les tambours autour desquels tourne le câble indépendans les uns des autres, et de leur appliquer des freins séparés dont la résistance serait convenablement graduée. Mais le progrès qu’il nous paraît surtout indispensable de réaliser consisterait à rendre la tension du câble aussi indépendante que possible des mouvemens du navire. Les profondeurs qu’on a pu atteindre avec le câble ont prouvé qu’il ne se romprait point, comme beaucoup de personnes le croyaient, sous sa propre charge; il n’a donc véritablement à craindre que les secousses que lui imprime le navire, quand les vagues l’abaissent et l’élèvent alternativement. Chacun peut faire aisément l’expérience suivante. Qu’on suspende au bout d’un fil un poids très lourd qui l’étiré fortement, sans pourtant le briser. Le fil portera sa charge tant que la main qui le tient reste immobile; mais qu’elle lui imprime une soudaine et vive secousse, il se brisera aussitôt. Le câble suspendu entre le navire et le fond de la mer est dans le cas d’un fil soumis à une excessive tension, et l’expérience a prouvé qu’à une profondeur de 2,000 brasses, cette tension n’est pas assez forte pour le rompre; mais quand l’arrière du navire, où s’attache le câble, s’élève par bonds de cinq ou six mètres, l’immense corde métallique se trouve soulevée, et la commotion qui s’y propage peut facilement la briser. C’est là, on peut l’affirmer, le plus grand danger auquel soient soumis les câbles sous-marins pendant l’immersion, et c’est géné-