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des partis leur dictait le même langage que l’intérêt de la vérité. C’est l’honneur de la restauration d’avoir créé ou du moins tendu à créer en France cet esprit de légalité aussi nécessaire aux citoyens qu’au pouvoir, et sans lequel il n’y a ni stabilité ni changement qui vaille la peine qu’on s’y attache. Malheureusement ce progrès très apparent et en partie réel de la France n’était pas universel. Sur bien des points, à commencer par la cour, ce n’était qu’un germe sans racines, et le moindre souffle pouvait l’arracher.

L’ouvrage de M. Duvergier de Hauranne respire à toutes ses pages ce sentiment conservateur du vrai libéralisme. Il le recommande, il le prêche, et il le suppose pour motiver ses jugemens. Qui veut les comprendre doit entrer dans cette idée directrice qui a guidé constamment l’historien. C’est pour cela que, sans partager les inimitiés des partis, sans malveillance pour aucun, prêt à s’entendre avec quiconque veut la liberté, il leur paraîtra rigoureux quelquefois, parce qu’il leur applique à tous une règle inflexible. Avoir la liberté pour but, et là où elle n’est pas proscrite, faire pour elle tout ce que la loi permet et rien que ce que la loi permet, cela semble d’abord un principe assez simple. Cependant il est difficile de le suivre exactement sans s’exposer souvent à être méconnu. Tout ce que la loi permet, c’est assez pour effaroucher des conservateurs ; rien que ce que la loi permet, c’est le sûr moyen d’aliéner les révolutionnaires. M. Duvergier de Hauranne connaît ces écueils entre lesquels il faut naviguer en temps d’orage, et comme le plus consciencieux et le plus éclairé n’est pas toujours sûr de faire comprendre ses actions, même aux honnêtes gens de tous les partis, il lui reste un recours : c’est d’aborder résolument la difficulté dans un livre et de présenter à tous sans détour et sans concession la vérité comme il la conçoit. Aucun revers, aucun mécompte, aucun intérêt ne doit empêcher un ferme et juste esprit d’appeler incessamment tout le monde à l’intelligence des vérités politiques hors desquelles le commandement et l’obéissance perdent leur dignité. S’il est bon de contrôler par la doctrine de la liberté légale tous les événemens de la révolution française, s’il est vrai que cette doctrine, relevée et généralement encouragée par la monarchie constitutionnelle, n’a cependant jamais été aussi solidement confirmée dans les esprits qu’elle aurait dû l’être, si nous avons eu raison, sinon d’y compter, au moins de la soutenir toujours et d’y faire sans cesse appel, les rudes échecs que les révolutions ont fait éprouver à ces principes de salut ne doivent pas nous détourner de les confesser jusqu’au terme et de les recommander à l’avenir. Parmi les funestes effets qui en suivent la violation, le moins funeste n’est pas la sceptique indifférence où tombent jusqu’aux esprits honnêtes en matière de devoir