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saire, cet assassin qui a voulu tuer mon fils et moi, et que j’aurais dû faire pendre?

— Il est vrai, dit Roquebrune avec sang-froid, que l’un de vous deux devrait être pendu. C’est l’avis de mon ami aussi bien que le vôtre. Lequel des deux? C’est ce que je n’ose décider.

— Monsieur, dit Samuel, êtes-vous venu pour m’insulter dans ma propre maison ?

Et il tira violemment le cordon de la sonnette.

— Mon cher Butterfly, dit Roquebrune avec le même sang-froid, si quelqu’un fait un pas vers moi, je vous brûle la cervelle.

Samuel se rassit effrayé. Un domestique irlandais entra.

— Tom, dit-il, apportez du bois.

Tom obéit, et Roquebrune reprit : — Parlons franchement. Bussy vous gênait, vous avez voulu le faire périr, c’est trop juste; mais il a la vie dure. Vous l’avez calomnié, vous avez ameuté contre lui toute une ville; vous l’avez à moitié assassiné; il ne s’en porte que mieux. Il est plus riche que vous...

— Eh! s’il est riche, interrompit Samuel, pourquoi veut-il nous dépouiller?

— Pourquoi, vieux Butterfly? Pour une raison fort simple. Combien vous a valu votre première banqueroute?

— Rien, si ce n’est l’estime de mes concitoyens, répondit gravement Samuel.

— Et cent mille dollars ! Et la seconde? et la troisième? et la quatrième? Je connais vos affaires aussi bien que vous-même. Vous avez maintenant un million de dollars, et vous comptez bien mériter encore deux ou trois fois avant de mourir l’estime de vos concitoyens. Eh bien ! mon ami Bussy, qui est aussi insatiable que vous, et qui est deux fois millionnaire, ne mourra pas content s’il n’a ses quatre millions.

— Quatre millions de dollars, grand Dieu ! Vous ne les trouveriez pas dans tout Scioto.

— On les trouvera; c’est moi qui le garantis.

Samuel sourit silencieusement.

— Oui, je te devine, vieux Butterfly, continua Roquebrune. Tu veux dire que la ville entière se soulèvera contre nous, et que nous serons lapidés; mais apprends que nous avons trouvé un moyen de séparer ta cause de celle des gens de Scioto. Tu as voulu faire tuer Bussy, et lui te réduira à la mendicité.

— Je l’en défie, répondit Butterfly.

— C’est toi qui as commencé le vol, c’est toi qui paieras pour tous. Un tiers de la ville t’appartient. Tu seras forcé de le rendre et de payer une indemnité énorme. Bussy est assez riche pour te traî-