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pénible, voir évoquer devant des étrangers des souvenirs aussi cruels pour nous, seul, inconnu, je me dis qu’il fallait bien, après soixante-quatre ans, se résigner à voir notre histoire sur la scène, et je restai. Le drame était composé dans les intentions les plus innocentes du monde ; les événemens et les hommes étaient travestis, personne n’était calomnié, aucun sentiment moral n’était froissé. Seulement Louis XVI, avec ses cheveux noirs bouclés, ses moustaches, sa tunique d’étudiant en velours, son pantalon blanc et ses bottines, avait l’air d’un honnête carbonaro, tandis que Barnave, poudré, en bas de soie, et l’habit habillé, ressemblait à un marquis des rues; Malesherbes, vêtu de même, mais coiffé à la Titus, l’abbé Edgeworth en costume de notaire, venaient exprimer de bons sentimens et de stériles vœux. Un personnage empanaché apparaissait de temps en temps pour représenter la convention et la commune, en signifiant des volontés impitoyables et des ordres sinistres.. La famille royale avait une attitude de désolation. Une seule fois le dauphin, écoutant de courageuses paroles du roi, s’écria : Bravo, padre ! Du reste, la morale de la pièce était exprimée à la dernière scène par Barnave, je crois, qui, dans une apostrophe finale, proclamait le divorce entre la liberté véritable et une république de sang. Rien, comme on le voit, n’était plus édifiant. Quant au public, toute sa sympathie était pour le malheur, et à travers les déclamations banales de ce mélodrame d’écolier il n’écoutait que les paroles de sévérité pour le crime et de compassion pour la douleur. Il était difficile d’assister à un spectacle plus exemplaire et plus niais, qui fût plus voisin du ridicule et plus conforme à l’honnêteté. Le côté politique ne décelait pas plus d’intelligence que de perversité, et s’il fallait prendre les sentimens des spectateurs pour l’expression des sentimens de la population génoise, on devrait les tenir pour parfaitement inoffensifs.

Les églises de Gènes portent de nombreuses marques de la libéralité de la noblesse. Celle de l’Annunciata, avec sa belle coupole, les fraîches et légères peintures de ses murailles, ses dorures éblouissantes et sa façade commencée de marbre blanc, est une création des Lomellini. Les Pallavicini ont donné aux jésuites, puis réparé et redoré l’église de Saint-Ambroise, ornée avec assez de goût, et dont les belles colonnes en portor font oublier certains pilastres plaqués en marqueterie de marbre pour imiter les cannelures. J’y ai remarqué un beau portrait de saint. Ignace par Rubens, On ne dit pas s’il est donné pour ressemblant. A San-Stefano, la pala ou le tableau d’autel est un Saint Etienne, peu visible, comme toute pala, grâce aux six cierges et aux rayons d’argent d’un grand ostensoir; mais le tableau est de Raphaël, et on le reconnaît du moins