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Parme sont baptisés. Des fresques salies et poudreuses, mais d’une couleur encore vive et d’une expression assez animée, attestent un sentiment informe des conditions de l’art. Les fresques de la voûte surtout ont quelque chose de primitif.

La cathédrale est en harmonie avec le baptistère. Le vieux style lombard a été suffisamment respecté. Le portail, très orné, gardé par deux lions symboliques en marbre rougeâtre, s’applique sur une façade traversée par deux élégantes galeries byzantines et terminée par un pignon dont la corniche angulaire se marie à l’architecture des galeries. La nef conduit sous une voûte elliptique à un chœur et à des transepts élevés de plusieurs marches au-dessus du pavé de l’église, et qui laissent voir par de larges ouvertures les nombreuses colonnes d’une crypte doucement éclairée. Je ne connais pas d’autre exemple de cette disposition. Le centre de la croix latine est couronné par une coupole dont la base est octogone. On a dit que c’était la première des coupoles, et en effet elle est peinte tout entière à fresque par le Corrège, à qui elle a coûté huit années de travail. Le sujet est l’ascension de la Vierge. Le dôme est le ciel où elle monte. Au-dessous, une balustrade octogonale peinte est censée former l’enceinte du tombeau d’où la Vierge s’est élancée. Les apôtres, rangés autour, lèvent les yeux avec un pieux étonnement vers la voûte céleste, et cette disposition a permis et même commandé de leur donner, ainsi qu’aux divers spectateurs, toutes les attitudes dont un savant dessin s’est plu à vaincre les difficultés. L’ange Gabriel vient au-devant de la reine des cieux, enlevée par une nuée de chérubins. Cette prodigieuse composition a beaucoup souffert des injures du temps, et il faudrait se borner à en admirer l’ordonnance et le ton général, si d’excellentes réductions de toutes ses parties n’avaient été faites en aquarelles très poussées de couleur et ne permettaient d’en étudier les détails. C’est un beau travail du graveur Toschi, ou exécuté sous sa direction, dont le gouvernement toscan a enrichi son musée. On y peut remarquer quelle variété de têtes, de poses et d’expressions heureusement hasardées le Corrège était parvenu, plusieurs années avant le Jugement Dernier de Michel-Ange, à rassembler dans un milieu d’une couleur radieuse et d’une suave harmonie. Corrège est un des peintres qu’il est le moins naturel de comparer à Michel-Ange, et il a innové dans la peinture de manière à produire des effets à la Michel-Ange. L’un manque de science, et il fait des choses analogues à ce que la science de l’autre lui fait faire. L’absence du goût classique et la vivacité d’imagination l’entraînent à des hardiesses qui ne sembleraient aller qu’à ces génies énergiques et profonds qui sont dans l’art de la même famille que Dante en poésie. A la vue des fresques de Parme, Corrège cesse de