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est approché, dans quelle mesure ? Si l’on a fini par y atteindre, comment ne s’y est-on pas maintenu ? Tel est l’attachant objet de ses recherches.

Il lui a paru, et je crois que cette vue générale ne sera pas contestée, que les soixante ans qui ont séparé 1789 de 1848 peuvent se diviser en deux périodes, la première pendant laquelle, à travers de laborieux efforts et des tentatives contradictoires, on a tâché de constituer la France, sans pleinement comprendre ou sans admettre aucunement les conditions indispensables du gouvernement parlementaire. Tantôt par un amour jaloux, tantôt par une crainte pusillanime de la liberté, on a, de 1789 à 1814, négligé, repoussé ou mal interprété les leçons de l’expérience et de l’histoire dans l’organisation des pouvoirs publics. C’est là le sujet d’une introduction en un volume qui peut être considérée comme une revue de la révolution française au point de vue constitutionnel. Puis, de la fin de l’empire à la naissance de la dernière république, plus de trente-quatre ans se sont écoulés, pendant lesquels au contraire les conditions générales du gouvernement parlementaire ont été écrites dans les constitutions, et, sans être toujours franchement acceptées ou observées avec une intelligence parfaite, elles ont été la loi apparente ou réelle des pouvoirs et des partis, et la nation n’a pas laissé entrevoir qu’elle fût mal satisfaite de son partage, ni disposée à en changer volontairement. Cette seconde période, pendant laquelle la liberté politique, au lieu d’être l’objet d’un problème ou le but d’un effort, a paru une chose effective qui n’avait plus qu’à s’affermir et à se perfectionner par la pratique, mérite plus qu’une appréciation générale et critique ; elle devait être le sujet d’une histoire, et cette histoire, M. Duvergier l’a écrite. Son second volume en est le commencement. Il comprend tout le temps qui s’est écoulé entre le dernier corps législatif de l’empire et la fin des cent jours, c’est-à-dire qu’il embrasse trois constitutions, deux invasions, deux révolutions.

Nous terminerons par quelques observations sur les deux périodes éclaircies et jugées dans ces deux remarquables volumes.


IV

À ne considérer que la théorie constitutionnelle, on pourrait dire que ce qui a longtemps manqué aux auteurs de nos constitutions, c’est une juste et complète notion de la responsabilité des ministres, ou, pour parler plus exactement, des dépositaires temporaires des fonctions actives du gouvernement. Les hommes supérieurs qui illustrèrent l’assemblée constituante semblaient encore loin d’apercevoir toute l’importance et toute la fécondité de ce principe, et ceux