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unes de ces compositions ont encore beaucoup d’agrément. Dans les sujets antiques, on accorde au pinceau une liberté dont l’élève païen de Raphaël usait volontiers. Entre deux fenêtres, un Cyclope colossal étale avec complaisance des membres athlétiques et des raccourcis formidables. Cette diversion à la mollesse voluptueuse des autres peintures est d’un bon effet; mais, faute de la même variété, l’emploi des moyens de force arrive à l’abus dans la salle dite des géans. C’est une pièce dont toutes les parois, sauf le pavé, sont les parties d’un même tableau. J’ai vu cette disposition très heureusement adoptée par des élèves de Rubens dans un salon de la maison du Bois, à La Haye. Ici le plafond est un Olympe d’où Jupiter, entouré des dieux, foudroie les Titans, qui succombent sur tous les panneaux, renversés par le tonnerre, écrasés par des quartiers de roc, étouffés sous des montagnes, dans toutes les convulsions de la souffrance, dans toutes les contorsions d’un fougueux dessin anatomique. Il y a là telle figure qui sent son Michel-Ange; mais l’exagération tourmentée de la composition et des attitudes passe toutes bornes. J’aime bien mieux l’ornementation élégante d’un vestibule ouvert sur le jardin où les élèves de Jules Romain et l’abbé Primaticcio, comme mon guide appelait le Primatice, semblent avoir eu quelque pressentiment des peintures de Pompéi. Il y a aussi une chambre dite de Phaéton, qui pourrait bien être la meilleure de toutes ces tentatives d’imitation de l’antiquité mythologique.

Le palais de ville des ducs de Mantoue ou le château de la cour est un édifice grand comme une citadelle. Il donne d’un côté sur les défenses de Mantoue, de l’autre sur une grande place, la place de Saint-Pierre; il est immense et incohérent. Ce qu’on en voit ressemble à la fois à une caserne et à un pastiche gothique. Dès qu’on y entre, tout cela disparaît pour faire place à une agglomération de bâtimens qui se tiennent sans unité. Ce sont comme les fragmens de palais divers, les uns ruinés, les autres inachevés, mais remplis de belles choses, une sorte de Fontainebleau négligé : cours d’apparat, larges escaliers, longues galeries, théâtre, manège, jardins au premier étage, tribunes ouvertes sur les lacs, et partout des peintures où brillent l’imagination et la facilité, mais qui ont un peu l’air d’avoir été improvisées pour quelque fête. Rien de bien fini, de bien conservé; des réparations partielles et qui semblent faites à la hâte; beaucoup d’appartemens démeublés, mais ayant gardé leurs fresques intactes; d’autres tout dégradés, et qui ne présentent que des vestiges de décoration; quelques-uns avec des rideaux d’indienne, des papiers d’hôtel garni, et un ameublement de préfecture de 1810. Ce qui devrait être doré est peint en jaune. Les moulures en plâtre remplacent le marbre et le bronze. La couleur à l’eau, la détrempe, le fresco, le stucco, n’ont pas en Italie un air de