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de tous les débats et de la liberté de la tribune et de la presse.

La révolution française a plus d’une fois tendu avec énergie vers la réalisation d’un ordre politique qui procurât toutes ces garanties à l’ordre social qu’elle avait fondé ; mais elle n’y a pas réussi d’une manière permanente et durable. Ses échecs ont-ils été purement fortuits, ou se serait-elle trompée, soit dans le but qu’elle se proposait, soit dans les moyens qu’elle employait pour l’atteindre ? Tel est l’objet, soit comme ouvrage historique, soit comme ouvrage critique, du livre de M. Duvergier de Hauranne.

Ce qui détermine une nation à une révolution libérale, c’est moins la pensée de former un gouvernement nouveau que celle de se délivrer des abus, des fautes, des crimes quelquefois, d’un ancien gouvernement, et d’en prévenir le retour. C’est plutôt une protection qu’une direction qu’elle cherche d’abord dans l’établissement constitutionnel. Au fond, c’est un esprit défensif qui la pousse dans ses agressions mêmes contre l’ancien régime. La foule ne s’inquiète pas beaucoup des moyens d’existence et d’action du pouvoir nouveau dont elle souhaite l’avènement ; elle ne lui demande que de l’affranchir, quelquefois de la venger, et ne songe pas toujours qu’il faut qu’il la gouverne. Les hommes d’état eux-mêmes, ou du moins les hommes éclairés, ne pensent pas toujours à organiser le pouvoir pour l’action, et leur unique soin est de le dépouiller de toute faculté de faire le mal. Les garanties constitutionnelles ont en général ce caractère d’être des résistances, des obstacles à l’injustice, à la violence, des checks, comme disent, les Anglais, en un mot des freins. C’est comme telles qu’en tout pays elles se recommandent d’abord à la faveur populaire. Or l’esprit de résistance, la haine de l’oppression, l’amour de la liberté, considérée seulement comme droit individuel, sont de nobles choses assurément, et c’est peut-être à ces sentimens généreux que l’humanité a dû les plus belles journées de son histoire ; mais, il faut bien en convenir, ces sentimens tout seuls ne suffiraient pas pour assurer à la société tous les biens dont elle peut jouir, pour lui donner les moyens de remplir toutes ses destinées. Une grande nation a d’autres besoins encore que le besoin négatif de n’être pas asservie. Son indépendance, sa sûreté, sa prospérité et sa gloire demandent davantage. Il manquerait quelque chose même à la liberté du citoyen, s’il n’était, par les lois de son pays, que préservé de l’arbitraire, et si, dépourvu de toute part de pouvoir ou d’influence, il n’avait point d’accès aux affaires publiques. La liberté politique est quelque chose de plus que la liberté des personnes.

Cependant il était fort naturel qu’aux derniers momens de l’ancien régime, on s’occupât avant tout de se mettre à l’abri des caprices du