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de tous les obstacles, et soit tout près de passer irrévocablement dans la réalité. Ici au contraire surgissent les difficultés véritables, celles qui tiennent à la divergence des vues et des intérêts diplomatiques. En passant de Bucharest et de Iassy dans le congrès de Paris, la question grandit et devient une affaire européenne. Une chose est certaine, c’est que les puissances qui ont tout d’abord considéré l’union des principautés comme une combinaison favorable à l’ordre européen s’appuient visiblement désormais sur le sentiment intime des populations. Seulement sous quelle forme l’union peut-elle se réaliser pour constituer une œuvre durable? Dans quelles limites la fusion des deux provinces peut-elle s’accomplir? C’est sur ce terrain sans doute que les luttes diplomatiques s’engageront pour finir peut-être, comme toutes les questions finissent, par une transaction.

Quelque intérêt que l’Angleterre puisse mettre dans cette affaire des principautés, elle a suffisamment montré cependant que sur ce point ses résolutions n’ont rien d’invariable, et dans la situation actuelle de l’Europe, les mouvemens de l’Angleterre ont cela de propre, qu’ils réagissent immédiatement sur la politique de l’Autriche. C’est là même ce qui a placé depuis quelque temps l’Autriche dans cette position embarrassée où on l’a vue. Pour l’Angleterre, aujourd’hui comme hier, tout se subordonne à l’affaire des Indes, à cette lutte implacable engagée aux extrémités de l’Orient. Depuis que cette insurrection a éclaté, mettant aux prises une poignée d’Anglais et une armée entière d’indigènes façonnés à la guerre, disciplinés par la puissance britannique elle-même, tout l’intérêt est là. On ne veut pas douter du résultat définitif, car l’Angleterre est assurément décidée à ne point abandonner ainsi à la barbarie une telle conquête, et à déployer toutes ses ressources pour rétablir son ascendant; mais jusque-là les malheurs se succèdent : chaque jour est marqué par des péripéties qui peuvent à chaque instant changer la face des choses. Il n’est pas facile de se reconnaître au milieu des détails confus et parfois contradictoires de ce drame sanglant, qui se déroule sur un théâtre presque sans limites. Cependant on peut distinguer quelques faits principaux qui résument la situation telle qu’elle est connue jusqu’ici. D’abord le siège de Delhi continue, ou plutôt Anglais et Indiens gardent leurs positions respectives sans que les opérations du siège marchent bien activement. Dans leurs sorties incessantes, les insurgés maîtres de Delhi viennent se heurter chaque fois contre le petit nombre d’hommes héroïques qui font flotter encore le drapeau de l’Angleterre aux portes de cette ville promise à la destruction. Le brigadier Nicholson, venant du Pundjab, paraissait sur le point de rejoindre la petite armée anglaise devant Delhi. Seulement on peut se demander si les forces qu’il conduit suffiront pour tenter un assaut, ou si elles ne viendront pas uniquement à propos pour combler les vides laissés par le feu et les maladies. Sur un autre point, la question est de savoir si la garnison anglaise qui se défend encore à Lucknow, dans l’ancien royaume d’Oude, pourra être délivrée, ou si cette partie du pays passera tout entière au pouvoir de l’insurrection. Un de ces hommes intrépides et hardis comme il s’en est trouvé si souvent dans l’Inde, le général Havelock, a entrepris une série d’opérations pour arriver jusqu’à Lucknow en partant de Cawnpore. Il a battu les insurgés dans toutes les rencontres qu’il a eues; chaque fois cependant il a été obligé de reculer, manquant de