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embrassaient-elles soit une province entière, soit même la totalité du royaume. S’il était en quelque sorte indispensable, dans un travail de ce genre, de remettre en lumière les dispositions effacées de l’ancien régime, ne fût-ce que pour en montrer les traces dans le régime actuel, cet examen rétrospectif me semble présenter en outre un résultat intéressant : il indique, une fois de plus, les ressources précieuses dont se priverait l’histoire générale, si elle négligeait le passé de l’histoire administrative.

La législation de la propriété souterraine, dont nous venons de raconter le laborieux enfantement, rappelle encore une remarque, dont il faut tenir compte. L’attention du législateur, on le sait de reste, s’est concentrée sur les principes auxquels il importait de soumettre l’exploitation de cette propriété exceptionnelle. Les conditions particulières du travail des mines ne l’ont pas préoccupé. Pour peu qu’on réfléchisse aux difficultés de la matière, on reconnaîtra qu’il ne pouvait en être autrement. Le sort de l’ouvrier mineur est assurément digne de la plus grande sollicitude, mais il ne peut être réglé par voie législative. C’est le progrès des mœurs qui remplace ici l’action de la loi, et en regard du régime de la propriété de plus en plus mis en harmonie avec les vrais principes du droit, il serait aisé de montrer la condition des travailleurs s’améliorant avec la législation même comme avec l’état général de la société. Abandonnées d’abord à des exploiteurs aventureux, les mines de notre pays sont généralement aujourd’hui entre les mains de propriétaires éclairés, dont la sollicitude se partage entre les besoins de l’exploitation et ceux des familles qu’elle fait vivre. Un décret de police souterraine supplée d’ailleurs en partie au silence de la loi, et soumet le travail des mines à certaines règles dictées aussi bien par l’humanité que par la prudence. L’ouvrier mineur justifie, nous aimons à le dire, l’intérêt qu’on lui porte. Cette population de 180,000 hommes voués au travail souterrain se distingue par son amour de l’ordre et son instinct de la discipline. L’énergie, la patience du mineur sont au niveau des difficultés de sa pénible tâche. On reconnaîtra mieux encore ces qualités propres à la population des mines quand on l’étudiera dans les divers groupes qui la composent et dans ses divers centres d’activité, — quand on passera en un mot de la propriété souterraine au travail souterrain.


E. LAME-FLEURY.