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blication de ce rapport funeste, disait un orateur en parlant de l’exposé des motifs, les pères, les femmes et les enfans, désolés et inquiets, ne se rassurent que sur la déclaration des droits et votre justice. Toutes les villes, tous leurs habitans, tous les districts et le département. en corps vous implorent, et on vous a laissé ignorer et leurs alarmes, et leurs motifs, et leurs droits... » Heurtault-Lamerville vint faire vibrer les mêmes cordes : « Des mémoires très exacts remis au comité attestent, s’écriait-il, que les opérations des mineurs en général sont des attentats journaliers à la liberté, à la tranquillité, à la propriété; je ne les détaillerai point. Je ne veux pas intéresser votre cœur pour entraîner votre jugement, mais vous concevez le parti que je pourrais tirer de ce tableau. » Des argumens plus sérieux contre le système de la propriété publique, dans lequel le député du Cher voyait, par une comparaison prise dans l’objet même, le combat du fer contre l’argile, remplissaient aussi ce discours intéressant, qui fut imprimé par ordre de l’assemblée. Ce mouvement, à la tête duquel s’étaient naturellement mis, excités par leur intérêt personnel, les propriétaires du Forez et du Languedoc, ne devait pas être couronné de succès, par suite du concours puissant que le plus grand des orateurs de l’assemblée vint prêter aux partisans de la propriété nationale dans un discours resté célèbre.

Le début de Mirabeau est bien tel qu’on était en droit de l’attendre de l’énergique tribun de la révolution française. Heurtault-Lamerville avait supposé par erreur, dans une des séances précédentes, que l’opinion dangereuse de Turgot serait « soutenue par cet orateur, qui employait habituellement les deux grands moyens de la parole, l’éloquence et l’à-propos. » — « Dans cette occasion comme dans tant d’autres, dit Mirabeau, on me fait l’insidieux honneur de faire circuler dans l’assemblée mon prétendu avis; je déclare qu’en effet plusieurs personnes connaissent mon résultat, mais que nul ne connaît mon avis. Maintenant je demande attention et table rase absolument, car personne ne sait ce que je vais dire. » Puis, dans un discours plein de force et de raison, dont l’assemblée enthousiaste vota l’impression au milieu des applaudissemens, il discuta avec un admirable bon sens pratique les trois systèmes de propriété souterraine dont j’ai indiqué l’existence. S’attaquant surtout au système de la libre exploitation des mines par les propriétaires du sol, le seul qui avait eu, avec celui de la propriété publique, des défenseurs dans les rangs de l’assemblée, il prononça ces paroles mémorables : « Je dis que la société n’a fait une propriété du sol qu’à la charge de la culture, et sous ce rapport le sol ne s’entend que de la surface. Je dis que, dans la formation de la société, on n’a pu regarder comme propriété que