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sions donc?... oui, c’est bien cela,... nous disions que vous voilà domptée... Et c’est ainsi que j’entends vous garder, ma belle... »


Assez comme cela, n’est-il pas vrai? Vous n’en demandez pas davantage. Et que d’horreurs cependant nous avons laissées dormir dans ce livre tout épisodique! D’abord l’historiette (comme disait Des Réaux), l’historiette de ce Royston, jadis employé, moitié commis, moitié dessinateur, dans un magasin de joailleries. Une belle cliente arrive dans ce magasin, une femme du monde, la femme d’un jurisconsulte éminent. Au moment où elle en sort, Royston la suit, et très poliment, et de sa plus douce voix de commis obséquieux, il lui fait remarquer qu’elle emporte un bracelet de prix. Or Royston dit vrai, le misérable, et la pauvre femme, tremblante, effarée, pour avoir cédé à une de ces tentations que la physiologie elle-même s’explique à peine, se trouve au pouvoir de ce drôle, fort peu disposé à manquer une occasion si rare de plaisir et de fortune. Vous avez ensuite la biographie d’une veuve, — une veuve qui a déjà défrayé, à notre connaissance, deux ou trois romanciers, ici et de l’autre côté de la Manche. M. Edm. About l’appelle Ianthe, sauf erreur, dans sa Grèce contemporaine. M. Whitty l’a baptisée lady Beaming. Nous nous donnerons le plaisir de ne pas la nommer et de n’en pas parler autrement. Vous avez le portrait de Mary Dasert, femme esprit-fort, philosophe et philanthrope en jupons, rappelant ses pareilles de l’autre siècle, Mary Wolstonecraft et les dévotes de Jean-Jacques. Elle est spécialement chargée de montrer comment on peut être à la fois et parfaitement vertueuse, et très imparfaitement mariée. Il y a la cuisinière Kimbletts, épouse fort légitime et fort aveuglément dévouée d’un vil lazzarone, héroïne au gras tablier, dont les réalistes sauront gré au romancier radical. Il y a aussi, digne condiment de ce mélange enragé, l’histoire d’un bal donné dans une maison de fous et d’une révolte de fous pendant ce bal, — un petit bain d’horreurs dans le genre du massacre de Cawnpore, et où M. Whitty se prélasse comme dans son élément naturel, le tout fort incohérent, fort peu digéré, fort capricieux, fort spirituel par momens, et par momens aussi fort insipide. Ébauche et débauche tout à la fois!

Qu’on ne nous reproche pas cependant d’avoir signalé ce livre, autour duquel il s’est fait, chez nos voisins, un silence mortel, qui nous semble le résultat d’une préméditation vengeresse. Nous ne saurions effectivement comprendre ce silence en nous rappelant le tumulte qui s’élevait, il y a quelques années, à propos de la Lucretia de Bulwer! Et qu’était Lucretia auprès des Amis de Bohême? Une douce moralité, une idylle de Gessner, un drame innocent du candide Berquin. Le premier soulève un haro universel; l’autre, quel-