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« — Oui, Jack, faites cela, reprit Bellars avec l’accent de la prière la plus énergique.

« Jack prit les billets, les rapprocha de manière à n’en faire qu’un, les déchira symétriquement, et, par dessus son épaule, les jeta dans le feu.

« — Voilà!

« On se passa la carafe, chacun emplit son verre, et sans mot dire. Diego, haletant, n’avait pu articuler une syllabe.

« Chacun se levait pour partir.

« Diego se leva aussi : sa poitrine se soulevait comme un flot sous la tempête. D’une voix rauque et profonde :

« — Quel mensonge est ceci?... Oui, quel indigne mensonge!... Qui êtes-vous... vous, Wortley? mauvais revenant d’Australie, etc. »


Le duel n’est pas moins bien raconté que la provocation. Les deux antagonistes et leurs seconds viennent en yacht se battre auprès de Calais. Wortley, fidèle à son caractère généreux, corrige lui-même une erreur des témoins qui lui donnait l’avantage du terrain. Diego est ému de tant de courage et de loyauté; mais un sourire de mépris qui passe sur les lèvres de Jack lui rend toute sa folle rage, et, tandis que la balle de Jack effleure son front, la sienne va frapper en pleine poitrine le noble enfant.

Thérèse hérite de Jack Wortley. Elle l’aimait, elle le pleure. Volontiers elle le vengerait, et plus volontiers encore sur son mari, ce mari qui l’adore, qui se damnerait pour elle, qui a chassé Nea de chez lui, qui, près de quitter l’Angleterre, menacé de toutes parts, ne forme qu’un vœu : emmener Thérèse en Amérique et vivre auprès d’elle, sinon travailler pour elle; car Thérèse, qui le connaît, assure qu’il la ferait chanter à son profit et encaisserait lui-même les recettes à la porte. Espérons qu’elle le calomnie. Sur ces entrefaites, ils sont appelés chez un magistrat, un parent, un protecteur de Nea, intéressé, pour le compte de cette malheureuse jeune femme, à tirer au clair toute l’affaire du premier mariage de Diego. Ce magistrat, à force de recherches, a fini par découvrir et faire venir de Suisse un vieil aventurier nommé Royston, qui jadis, — à la requête de Kees le mystérieux, et sans que Diego fût le complice de cette trahison, — a joué dans le pseudo-mariage de Thérèse le rôle du prêtre catholique. Voici nos gens en présence. Royston s’explique et fournit ses preuves. Thérèse s’indigne; Diego, plus irrité qu’elle, saute sur Royston et le frappe au visage; Thérèse, enchantée, se jette au cou de Diego. On met pourtant le holà, et les acteurs de cette scène étrange sortent l’un après l’autre du château. Près de ce château est un petit bois; dans ce bois, on entend tout à coup une détonation. Les premiers paysans accourus au bruit trouvent Diego étendu sans vie, et près de lui Royston incliné sur le cadavre, un