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D’ailleurs, si le parlement a ses exigences, il a ses tolérances, qui lui sont aussi particulières. Composé en grande partie d’aristocrates, il n’a pas le respect du rang, cette idolâtrie que M. Thackeray, reprenant en sous-œuvre le M. Jourdain de Molière, a si vertement travaillée. Le parlement n’est pas snob. Avec tout le prestige de son nom et de son lignage, lord Stanley, le fils de lord Derby, ne peut obtenir un moment d’attention quand il veut professer « la question des sucres; » — survient, traitant le même sujet, M. Wilson, le rédacteur en chef de l’Economist, fils d’un chapelier, et la chambre est tout oreilles. Elle ne professe pas non plus le culte immonde du veau d’or. Très riche ou très pauvre, millionnaire ou vivant d’expédiens, elle vous fait chance égale. Voyez la fortune politique de M. Disraeli, qui n’en a pas d’autre. Comparez-lui l’accueil ignominieux fait au « roi des chemins de fer, » à ce M. Hudson, que la haute société de Londres n’avait pas rougi d’adopter malgré l’origine suspecte de son opulence, et dont le parlement fit justice, dès qu’il y parut, et par ses rires d’abord, et plus tard par ses clameurs indignées.

Est-ce à dire que le parlement soit fort rigoureux en matière de probité privée? Hélas! non. Ce grand club n’a pas de principes bien arrêtés en cette matière, ni une conscience très en éveil. Il supporte, et, s’il les reconnaît utiles, il applaudit des gens que ne recommande ni leur honnêteté politique, ni même l’autre honnêteté, plus facile à rencontrer. S’il lui arrive de punir une immoralité, c’est que sa morale, — morale toute particulière, — a été froissée. Sa morale, c’est sa convenance, son bien-être, la dignité dont il a besoin pour se sentir... comfortable. Ménagez-le sur ce point, il ne tiendra compte ni de votre passé compromis, ni de votre présent soupçonné. Maintenant soyez honnête, si cela vous convient : il n’y contredira pas, et ne vous en saura mauvais gré que si, avec cela, vous êtes un bore, c’est-à-dire un inutile ennuyeux. Mieux vaudrait pour vous, en ce cas, être un misérable, mais en même temps un homme de bon conseil, pratique et, comme cela se dit en anglais, praticable.

La littérature n’est pas absolument antipathique aux membres du parlement. Sous certaines formes, elle s’y fait tolérer et même goûter. On a dit le contraire à propos de sir Edward Lytton (Bulwer) comme à propos de Mackintosh. Il y a là un paralogisme. On prend l’effet pour la cause et vice versâ. L’écrivain qui échoue à la chambre des communes ne subit cet échec que parce qu’il y entre avec des préoccupations étrangères, une ambition complexe et divisée. Il n’est pas assez exclusivement dévot aux pénates de l’endroit. Puis, pour trop prétendre, il compromet souvent son succès. Sir Edward Lytton, dès le début, prit un essor immense, et ses beaux discours, élégans, retentissans, spirituels, parurent autant d’hymnes à la glorification