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l’obéissance universelle, cette dernière ambition du philosophe démocrate ; mais en trouvant très simple que la thèse du gouvernement direct du peuple par le peuple soit produite toutes les fois qu’il y aura lieu de constituer l’état, je doute que, présentée sans restriction, elle séduise jamais longtemps la multitude elle-même, et je crains que des deux autres théories, la pure aristocratie et la monarchie pure, la dernière ait encore le plus de chances de se faire accepter tôt ou tard, bien entendu avec l’aide d’un certain savoir-faire que Darius, fils d’Hystaspe, n’a point emporté avec lui dans le tombeau.

Mais ce même Darius, peu d’années après son avènement, apprenait à Marathon qu’il y a d’autres gouvernemens que la tyrannie asiatique, car « c’est du temps de Darius, dit Bossuet, que commence la liberté de Rome et d’Athènes, et la grande gloire de la Grèce. » Chez ces peuples, pour nous les premiers maîtres de la politique et de tout le reste, on comprit de bonne heure qu’aucun système absolu de gouvernement n’était bon. Il n’est pas de notre sujet de décrire, même en passant, les formes diverses que l’état prit dans l’antiquité ; on peut, sur ce point, consulter un ouvrage intéressant publié il y a quelques années. Dans son Histoire de la Souveraineté, M. Sudre a exposé d’une manière exacte et judicieuse les institutions et les théories politiques des anciens, et l’esprit dans lequel il écrit, comme la manière dont il écrit, recommande au lecteur un livre qui n’a peut-être pas été assez loué. Pour nous, ne notons qu’un point, c’est que la pensée que nous trouvons dans Hippodamus de Milet, le premier, suivant Aristote, qui ait été publiciste sans être homme d’état : « la constitution de l’état sera vraiment solide, si elle est mixte, c’est-à-dire composée par le mélange des diverses formes de gouvernement ; » cette pensée, dis-je, a sous diverses formes dirigé la sagesse politique des anciens. Nous n’avons plus les cent cinquante-huit constitutions qu’Aristote avait décrites, mais on voit en général que les constitutions grecques étaient loin d’être simples. La plupart offraient une combinaison de garanties assez artificielle. La crainte de l’absolu et de l’illimité paraissait avoir inspiré le législateur. Or, toutes les fois que l’on contient par des dispositions constitutionnelles l’influence du principe ou du pouvoir qui domine dans la constitution, on opère, même sans le savoir et sans le vouloir, un mélange des différens gouvernemens. On introduit quelque chose de la monarchie dans la démocratie, quand on cherche à lui donner plus de secret ou d’unité ; on la rapproche de l’aristocratie, lorsqu’on oppose à la volonté souvent impétueuse du plus grand nombre la sagesse ou la lenteur d’un conseil. Platon dit en termes formels qu’il n’y a de vrais gouvernemens