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Un des témoignages les plus visibles de la présence de l’islamisme au fond de cette révolte, ce sont précisément les cruautés abominables dont elle a été souillée. Jamais, livrés à eux-mêmes, à leurs instincts, à leur nature, à leurs traditions, jamais les Indiens n’auraient commis de pareils actes de barbarie. L’Indien est naturellement doux et passif, il est patient et tolérant. Au contraire le premier dogme de l’islamisme est l’extermination des infidèles ; c’est la conquête par le fer et par le feu. Mahomet promet les félicités éternelles à tous ceux qui feront la guerre aux ennemis de sa religion, et le croyant acquiert autant de gages pour le paradis qu’il massacre de femmes et d’enfans. Dans cette série d’horribles outrages accomplis dans l’Inde sur les femmes prisonnières, il ne faut pas voir seulement la soif de sang et de luxure de bêtes sauvages ; il y faut signaler aussi un plan systématique, un dessein religieux et politique, suivi avec une résolution et une constance infernales. Ce n’est pas sans raison qu’il a été dit que partout où il se commettait des excès sanglans, des actes extraordinaires de cruauté, on reconnaissait la trace du fanatisme religieux. En déshonorant les femmes des chrétiens, les musulmans voulaient déshonorer la religion chrétienne. On sait avec quel soin jaloux les femmes sont, chez eux, soustraites aux yeux des hommes ; les regards étrangers sont pour les femmes des musulmans comme autant d’attouchemens profanes. Il y a quelques mois, on riait des précautions que prenait la reine d’Oude en débarquant en Angleterre pour se dérober à la vue du public, et du triple rempart de voiles dans lequel elle s’enveloppait ; mais cela seul donne la mesure de l’outrage que dans leur pensée les révoltés mahométans faisaient subir aux malheureuses femmes tombées dans leurs mains. Il est hors de doute que ces atrocités faisaient partie d’un système, et un journal anglais a pu dire justement : « Il faut qu’on sache, quoi qu’il nous en coûte de le dire, que les femmes et les jeunes filles tombées aux mains de la populace de Delhi ont été promenées en procession pendant plusieurs heures dans la rue principale de la ville, avec toutes les horreurs qui pouvaient les dégrader aux yeux de la population, avant de subir les dernières brutalités et les dernières cruautés qui ensuite ont été accomplies sur elles aux yeux de milliers d’hommes. Tout cela a été fait avec le propos délibéré de déshonorer l’Angleterre, l’Europe, la domination chrétienne et une reine chrétienne. »

Un autre signe encore de la prédominance des mahométans dans la révolte, c’est le concert remarquable avec lequel les insurgés se sont concentrés sur Delhi, et l’empressement qu’ils ont mis à rétablir sur le trône le descendant des empereurs. Delhi est la capitale de l’islamisme dans l’Inde: il en est le siège traditionnel et monumental.