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que grand vase d’une substance qui vaut seize cents fois son poids en cuivre, dix ou quinze mille fois son poids en fer, treize mille fois son poids en blé; mais cette cherté est tellement excessive, que pour les personnes qui ont le sentiment du beau, alors même qu’elles sont riches, c’est une objection qui les arrête, et elles se retournent d’un autre côté. Cependant l’or n’en a pas moins sa splendeur incomparable, et s’il éprouvait dans sa valeur une forte baisse, il est probable que la mode lui viendrait dans une certaine mesure, sous la condition que le mérite de la forme égalât la beauté de la substance.

J’arrive au troisième et dernier des débouchés qui ont été énumérés plus haut, celui que présente le monnayage chez une catégorie de peuples différente de celle par laquelle nous avons commencé. Suivant les personnes qui soutiennent que le métal ne va pas surabonder par rapport aux besoins, et par conséquent que la baisse de sa valeur n’est pas probable, ce ne serait pas seulement dans les pays qui présentement ont peu ou point d’espèces métalliques dans la circulation, ou qui veulent se soustraire au régime du papier-monnaie, qu’un large débouché serait ouvert à l’or par la voie de la monnaie. Tous les états civilisés, tous ceux du moins où l’or est admis à la fonction monétaire, en devraient réclamer un approvisionnement nouveau pour plusieurs motifs, et d’abord à cause de la progression des affaires, de la multiplicité toujours croissante des transactions. Ceux qui argumentent de la sorte ne se sont peut-être pas suffisamment rendu compte des procédés suivant lesquels le commerce d’un grand état étend ses opérations et élargit sa sphère. Ils auraient pu constater que le progrès des institutions commerciales, des institutions de crédit particulièrement, a pour effet de permettre aux affaires de s’accroître dans une proportion très forte avec une extension fort médiocre de l’instrument métallique des échanges. L’emploi des billets de banque, des viremens de parties ou comptes-courans, des lettres de change ou des billets à ordre, des mandats tels que les chèques qui sont en usage parmi les Anglais, la mise en activité d’établissemens analogues au Clearing-House de Londres, l’usage judicieux de toutes les ressources que présente une comptabilité perfectionnée pour les rapports de maison à maison, de ville à ville, d’état à état, tout cela tend à limiter chaque jour la partie métallique de l’instrument des échanges. Cet instrument est une machine qui a éprouvé et éprouve d’une manière continue des perfectionnemens considérables, à peu près comme la machine à vapeur.

Il y a cinquante ans, une machine à vapeur de quarante chevaux aurait coûté 100,000 francs; aujourd’hui, en France, Far-