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lution d’un sel d’or dans l’eau, ne consomme non plus qu’une très faible quantité de métal. De même, pour tout le galon de la passementerie de Paris ou de Lyon, il suffit d’un nombre médiocre de kilogrammes d’or.

En définitive, pour les dorures de toute sorte, ainsi que pour toute espèce de passementerie en or, ce sera se placer au-delà de la vérité que de porter à 10,000 kilogr. La quantité d’or qui pourra être réclamée chaque année, d’ici à dix ans. Il est vraisemblable qu’au moment où j’écris on est loin d’en atteindre la moitié. En ajoutant cette quantité à celle que nous avons déjà admise pour l’orfèvrerie et la bijouterie, nous arriverons à un emploi annuel de 35,000 kilogrammes pour les différens arts.

Voilà donc à quoi se réduit, pour l’écoulement de l’or fourni par les mines nouvelles, la portée du luxe envisagé sous ses divers aspects. C’est une véritable déception pour le statisticien qui aurait cru apercevoir là un débouché indéfini. On peut cependant se rendre raison d’une consommation aussi restreinte. L’étalage de l’or en ustensiles plus ou moins massifs est le luxe de gens peu raffinés, dont l’œil s’est machinalement épris pour l’éclat d’un métal éblouissant et dont l’esprit se passionne pour une matière à laquelle le vulgaire attache l’idée de la richesse par excellence. C’est une magnificence réservée aux souverains chez les peuples primitifs; c’était le faste des Incas, celui d’Attila et de Genséric; c’était l’orgueil des peuplades sauvages que les Européens trouvèrent en Amérique; ces pauvres indigènes portaient des parcelles d’or suspendues au nez et aux oreilles. Nos nations intelligentes, dont le goût est cultivé, ornent leurs appartemens avec des étoffes artistement tressées, qui offrent des dessins élégans et des couleurs brillantes ou délicates. Elles les embellissent avec des objets d’art, des sculptures de tout genre, des tableaux de toutes les écoles ou de fines gravures. Un luxe pareil est plus intelligent, il est plus conforme à une civilisation avancée.

Ce n’est pas que je veuille soutenir ici l’opinion que, dans un accès de raffinement idéaliste, les peuples les plus civilisés s’apprêtent à dédaigner désormais l’éclat de l’or; je représente seulement que l’observation de ce qui se passe tous les jours sous nos yeux autorise à considérer la passion du luxe comme inclinant volontiers vers des satisfactions autres. A tant faire que de consacrer une grosse somme à un objet destiné à embellir la demeure, on recherche de préférence le plus souvent quelque chose qui se recommande autrement que par le poids qui y sera entré d’une matière aussi coûteuse que l’or. L’homme de peu de goût peut être flatté de posséder quel-