Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/584

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cuple, qu’on aille encore bien au-delà : à combien cela montera-t-il en comparaison de la production actuelle du métal ?

De l’Angleterre, passons à la France. Ici, peu s’en faut qu’on n’observe de même, dans la fabrication des objets en or, un mouvement en arrière par rapport à la population, lorsqu’on embrasse une certaine période, de près d’un demi-siècle aussi, dans laquelle est comprise, il est vrai, toute la durée de la révolution. Necker, qui devait être bien informé, évaluait en 1789 l’orfèvrerie fabriquée en France, tant en argent qu’en or, à 20 millions de matière ; en 1821, ce n’était que 21,750,000 fr., ce qui faisait dire à M. de Humboldt : « Les tableaux publiés par M. Le comte de Chabrol prouveraient donc, si les évaluations de Necker sont exactes, que l’état de l’orfèvrerie n’a pas considérablement changé[1]. » M. de Humboldt aurait pu ajouter que, l’emploi de l’argent ayant dû s’étendre parce que les couverts d’argent s’étaient beaucoup répandus, du moment que pour l’ensemble des deux métaux le changement était insignifiant, il s’ensuivait forcément que l’emploi de l’or avait dû se restreindre. Depuis 1821, une certaine progression se fait remarquer en France. D’après les relevés des bureaux de garantie, la moyenne des années 1822-23-24 donne 3,059 kilogrammes pour l’or, et la moyenne des deux années closes au 1er janvier 1857 est de 8,185 ; mais de ces quantités il y a lieu, comme on va le voir, de rabattre une bonne partie pour tenir compte du vieux métal, de la vieille orfèvrerie ou bijouterie qu’on remet au creuset. C’est donc le cas de dire, pour la France comme pour l’Angleterre, qu’un débouché aussi borné, s’accroissant aussi lentement, ne pourrait contribuer sérieusement à élever l’usage du précieux métal au niveau d’une production si grandement augmentée.

En 1827, M. de Humboldt a évalué la quantité d’or qu’employaient la bijouterie et l’orfèvrerie à 9,200 kilogr. pour toute l’Europe ; mais de là il y aurait à retrancher l’or vieux que Necker supposait faire la moitié. Portons au double l’or que manipulent ces industries aujourd’hui, sans faire aucune déduction pour le vieil or que fournit la refonte des anciens bijoux et ornemens ; ce sera comme si nous quadruplions l’emploi effectif de l’or en 1827, en admettant l’hypothèse de Necker sur la part pour laquelle la refonte des bijoux et ornemens anciens entre dans la fabrication des nouveaux. Voilà donc le placement de 18,400 kilogr. sur la production annuelle des mines. Afin d’avoir égard largement à la petite quantité d’articles en or qui se fabriquent en dehors de l’Europe, dans les pays de la civilisation occidentale ou chrétienne, je veux dire aux États-Unis

  1. Essai sur la Nouvelle-Espagne, édition de 1827, tome III, p. 467.