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vaux publics et diverses autres entreprises industrielles a procuré à certains corps d’état une occupation extraordinaire, et par suite des salaires élevés, qui leur ont servi à consommer en plus grande quantité certaines denrées alimentaires et certains produits manufacturés plus accessibles que le reste au grand nombre. Un des effets qu’on doit rapporter à cette cause est la cherté qui s’est révélée pour la viande en France.

En second lieu, la médiocrité, pour ne pas dire la pénurie des récoltes dans ces dernières années a été une raison déterminante d’enchérissement pour beaucoup d’articles. Le pain et le vin ont enchéri parce qu’on a récolté moins de blé et que la maladie de la vigne a sévi avec intensité. La cherté du pain a, par un lien tout naturel, entraîné celle de beaucoup d’autres alimens usuels. Une matière première d’un grand emploi dans les manufactures de l’Europe, la soie, est un des objets qui ont le plus enchéri; cela tient à ce que pareillement la récolte de cet article a manqué dans l’Occident. Il n’en a pas fallu davantage pour entraîner la cherté de tous les tissus de soie, parce que la valeur de la matière brute entre dans leur prix comme l’élément principal.

Il me semble qu’il convient de considérer ces deux circonstances comme ayant contribué jusqu’ici pour la plus forte part à déterminer l’aggravation des prix dont nous sommes les témoins et les patiens. Je ne les mentionne au surplus que pour qu’on n’en confonde pas les résultats, qui doivent être regardés comme accidentels, avec les effets des nouvelles mines d’or. C’est cette dernière influence, et elle seule, que je voudrais étudier par rapport à un avenir prochain. Pour être mieux à même de la mesurer, commençons par déterminer, s’il est possible, l’intensité de la cause elle-même.


I. — DE L’ETENDUE DE LA PRODUCTION ACTUELLE DE L’OR EN COMPARAISON DU PASSE, ET DE CE QU’ELLE SEMBLE DEVOIR ÊTRE DESORMAIS.

Au commencement du siècle, la quantité d’or versée par les différens pays producteurs sur le marché général, où puisent les états de la civilisation chrétienne, était d’environ 24,000 kilogrammes[1] de métal fin, sur quoi ces états n’en prenaient pas 20,000[2]. Elle

  1. Je crois devoir établir ici les comptes en kilogrammes d’or fin plutôt qu’en francs. Les nombres seront alors beaucoup moindres, et on les comparera plus aisément les uns aux autres On sait que le kilogramme d’or, aux termes de la loi du 7 germinal an XI, fait 3,444 fr. 44 c.
  2. Les calculs de M. de Humboldt l’ont conduit au nombre de 15,800 kilogrammes pour la production, au commencement du XIXe siècle, de l’Amérique, de l’Europe et de la Russie asiatique. (Essai sur la Nouvelle-Espagne, édition de 1827, tome III, p. 436.) C’est à peine si l’or que la civilisation chrétienne puisait à d’autres sources ajoutait à cet approvisionnement 2,000 kilogr. On avait ainsi un total d’environ 18,000 kilogrammes.