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de la force qui y pousse et de celle qui tend à le restreindre. Un autre jour, nous chercherons à constater le sens de la législation monétaire de la France. Ensuite nous exposerons les inconvéniens principaux qui, dans l’ordre politique et social comme dans l’ordre économique, accompagneraient renchérissement, comme aussi les avantages que la baisse de l’or pourrait offrir à la société et à l’état, en compensation de l’ébranlement qu’elle leur causerait. Nous terminerons en nous efforçant de déterminer quelles dispositions seraient propres à empêcher ou à atténuer les fâcheux effets d’une production extraordinaire du précieux métal.

Mais, avant de commencer, il est utile de consacrer au moins quelques lignes à prévenir une confusion possible. La cherté n’est pas seulement un fait placé dans la perspective d’un avenir plus ou moins prochain : le temps présent est caractérisé par un enchérissement presque général. Il y a peu de marchandises dont les prix n’aient monté depuis cinq ou six ans, et plusieurs personnes sont portées à attribuer le fait à l’influence des nouvelles mines d’or. Je ne conteste pas que la production inaccoutumée de ce métal précieux n’y puisse être pour une part: mais on peut signaler d’autres causes complètement différentes qui, à cet égard, ont pesé beaucoup dans la balance.

Au sujet d’un grand nombre de denrées de première nécessité, de matières premières de l’industrie, et par suite d’articles manufacturés, de ceux-là surtout sur le prix desquels le prix des matières premières exerce plus d’influence, — ce sont en général les plus communs, — il y a lieu de constater un enchérissement très distinct de celui qui pourrait avoir pour origine l’affluence de l’or. Il provient de ce que pour ces denrées, matières premières ou marchandises, le rapport entre l’offre et la demande sur le marché, rapport qui détermine les prix, s’est beaucoup modifié. La demande s’est accrue plus que l’offre et les circonstances se trouvent ainsi plus désavantageuses qu’auparavant pour le consommateur, qui par conséquent est tenu de payer plus cher. Cet enchérissement spécial et distinct provient de deux faits qui, fort heureusement, sont essentiellement passagers.

En premier lieu, c’est que depuis quelques années, diverses classes de la société se sont mises à consommer davantage, soit qu’elles aient eu plus de moyens, soit qu’elles aient cessé de se livrer à l’épargne avec la même sollicitude qu’auparavant. En France, un assez grand nombre de personnes se sont enrichies par la hausse remarquable et motivée qu’ont éprouvée les actions de chemins de fer, et ont donné, en fait de luxe, un exemple qui a entraîné des imitateurs. En ce qui concerne les ouvriers, l’impulsion qu’ont reçue les tra-