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gueur par les colons qui s’y jetèrent de toutes les parties du monde. Ce fut en 1848. A trois ans de là, à travers le Grand-Océan, la trace des mines magnifiques de la Californie se retrouve en Australie. Un chercheur d’or qui avait fait ses premières armes derrière San-Francisco découvrit dans cette autre contrée des gisemens qui ne le cèdent en rien à ceux dont se vantent les vallées du Sacramento et du San-Joaquin. Les riches mines de la Californie et de l’Australie ne sont pas les seules sur lesquelles la civilisation chrétienne ait, de nos jours, étendu une main active et avide. Il y a une trentaine d’années déjà que des bancs aurifères connus des anciens et signalés dans un récit, fabuleux il est vrai, par le père de l’histoire, mais oubliés par les générations des siècles suivans, ont été mis en grande exploitation dans la Russie boréale et orientale, d’abord parmi les monts Ourals, et ensuite en Sibérie[1].

Sous l’influence de l’extraction considérable et relativement plus facile dont toutes ces mines d’or sont devenues le siège, on est fondé à prévoir, pour tous les pays du moins où la monnaie d’or circule en abondance et où ce métal est ou tend à être l’unique instrument des échanges, une perturbation générale des prix, le dérangement profond peut-être de différens intérêts, la modification plus ou moins radicale de différens rapports sociaux. Il n’est pas superflu d’examiner dans ses causes et dans ses conséquences, dans le bien comme dans le mal qu’elle peut faire, cette sorte de révolution qui paraît imminente, si même elle n’a pas commencé d’éclater, A l’égard de certains pays, et plus particulièrement de la France, il est opportun de rechercher jusqu’à quel point l’irruption que l’or fait dans le système monétaire, ou pour mieux dire la forme sous laquelle cet événement s’accomplit, est conforme aux lois existantes, aux prévisions et à la volonté du législateur, à l’honneur national, au respect d’engagemens sacrés contractés par l’état. S’il était démontré que ce qui se passe soit en opposition avec l’esprit et la lettre de la législation, il y aurait à rechercher les meilleurs moyens de revenir le plus tôt possible à la scrupuleuse observation de la loi.

Cette étude se composera, par une division naturelle, de plusieurs parties distinctes: dans la première, qui nous occupera aujourd’hui, nous essaierons de donner une idée, des chances de renchérissement,

  1. Les alluvions aurifères ont été observées en Russie dès 1774, dans la chaîne des monts Ourals; mais on ne commença à les exploiter un peu sérieusement qu’après 1810. En 1816, le rendement n’était encore que de 96 kilogrammes de métal. A partir de 1823, il prend une marche progressive. En 1830, la production officiellement constatée fut de 5,779 kilogrammes, ce qui ferait environ 18 millions de notre monnaie. Vers cette époque, les gisemens aurifères de la Sibérie sont découverts, et à partir de 1840 ils donnent une masse d’or bien supérieure à celle qu’on extrait de l’Oural.