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points du nouveau continent, en quête des mines d’or et d’argent, La production des métaux précieux était enfin organisée dans les deux vice-royautés les mieux pourvues de mines et de bras, celles du Pérou et du Mexique. De 1492, année de la découverte, à 1500, c’est à peine si le Nouveau-Monde avait fourni, bon an mal an, une proie de 1,500,000 fr. d’or et d’argent. De 1500 à 1545, en ajoutant au produit des mines le butin ramassé dans la capitale de Montézuma, Ténochtitlan (aujourd’hui Mexico), ainsi que dans les temples et les palais du royaume des Incas, la somme retirée d’Amérique ne dépasse pas en moyenne 16 millions par an. A partir de 1545, la scène change. Dans un des plus affreux déserts que présente notre planète, au milieu des sites les plus escarpés et les plus inhospitaliers du Haut-Pérou, le hasard avait fait trouver à un pauvre Indien, qui gardait un troupeau de llamas, une incomparable mine d’argent. De nombreux mineurs furent attirés par la renommée qui fut immédiatement acquise aux riches filons épars dans les flancs de cette montagne du Potocchi (c’est le nom dont, par euphonie, nous avons fait le Potosi). L’envoi des métaux précieux d’Amérique en Europe monta rapidement à la quantité qui formerait aujourd’hui poids pour poids 60 millions de francs, puis à 80 et au-delà : à cette époque, une pareille masse d’or ou d’argent était une richesse bien plus grande que de notre temps. Sous l’influence de ces approvisionnemens extraordinaires, la valeur de l’or et de l’argent par rapport à toutes les autres productions de l’industrie humaine ne tarda pas à baisser en Europe, ainsi qu’il arriverait, par exemple, du fer ou du plomb, si l’on en découvrait des mines qui fussent surabondantes par rapport à l’emploi qui se fait présentement de ces deux métaux, et qui les livrassent moyennant beaucoup moins de travail que les anciennes, ainsi qu’il arrive effectivement de toute marchandise que de nouveaux procédés ou de nouvelles circonstances naturelles permettent de produire dans des proportions inaccoutumées, et avec une forte diminution de frais.

L’or et l’argent en effet sont des marchandises comme les autres, ayant, comme tout objet en rapport avec nos besoins, leurs mérites propres, et ils sont soumis dans la valeur qu’ils possèdent, relativement à l’ensemble des autres marchandises, aux mêmes lois de variation.

Mais les conséquences de la hausse ou de la baisse des deux métaux précieux se manifestent par des signes tout particuliers, à cause du rôle de monnaie qui leur est attribué de temps immémorial. Lorsqu’on dit qu’une marchandise comme le plomb, le fer, le blé ou le vin décroît de valeur, cela s’entend relativement aux autres produits, et signifie qu’il faut en céder une plus forte propor-