Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et généralement pour tous les débats des grands intérêts ecclésiastiques.

Celle de Bourges présentait alors le spectacle le plus animé. Les candidats, rangés l’un près de l’autre dans un compartiment séparé, ne remplissaient pas moins de deux bancs entiers, tant ils étaient nombreux ; « c’étaient, disait gaiement Sidoine, deux bancs pour un seul siège. » Tous les regards, fixés sur eux, cherchaient à deviner par leur attitude les secrètes dispositions de leur cœur. Les uns, comme Simplicius et probablement ses deux compétiteurs de haut parage, gardaient un maintien modeste et digne, paraissant obéir plutôt à un devoir qu’à un désir d’ambition ; les autres au contraire, s’étalant aux yeux de la foule, provoquaient les remarques et affichaient d’eux-mêmes, dit Sidoine, un contentement que tout le monde ne partageait pas. Les électeurs, divisés en classes, remplissaient les nefs et une partie du chœur : c’était d’abord le clergé de l’église, puis l’ordre de la cité, ayant à sa tête ses magistrats et ses patrons, puis le peuple ; enfin le petit synode des évêques, nominateur ou conseillers, siégeait au fond du chœur, près du trône métropolitain, resté vide. Sous le feu des passions qui l’animaient, cette multitude s’agitait bruyamment ; les partis se mesuraient de l’œil, et, vu la division des voix et l’acharnement des intérêts, on pouvait craindre, ou que l’élection n’aboutît pas, ou qu’elle aboutît à un résultat imprévu, honteux pour l’église.

Quelques électeurs, mus par un sentiment d’honnêteté, demandèrent alors qu’au lieu de courir les chances d’un vote, on s’en remît au libre choix de l’évêque de Clermont. La proposition souleva une véritable tempête : on l’appuyait d’un côté, on la combattait de l’autre, tout le monde parlait à la fois. Les membres du clergé se distinguèrent dans ce tumulte par la vivacité de leur opposition : on les voyait se former en conciliabules dans les coins, chuchoter malignement ou discourir entre eux avec une animation extrême ; « c’était comme le caquetage d’une troupe d’oiseaux, » nous dit le principal acteur de la scène. Toutefois l’effervescence de la part des clercs se borna à des critiques secrètes, et nul n’osa prendre hautement la parole, soit de peur d’être censuré par les autres ordres, soit de peur d’être démenti par le sien.

L’accord s’opéra peu à peu en faveur de la proposition, qui fut jugée prudente et sage, et l’on convint qu’un décret de la cité renverrait officiellement le choix du futur métropolitain à la décision de l’évêque nominateur. Sidoine ne trouva pas cette mesure satisfaisante pour sa responsabilité, car il était possible que les autres ordres ne se regardassent pas comme liés par la seule délégation du corps municipal, et il demanda que chaque ordre, après en avoir