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toire était impossible; abandonné de ses alliés naturels, affaibli par les recrues de l’insurrection, dénué de l’appui d’un grand capitaine que nous n’avons pas même su lui prêter, il marchait à sa perte. A sa perte! cette détermination suprême faisait de lui le chevalier de l’indépendance. Il combattait, assuré de la défaite, prêt à mourir, mais jaloux de laisser à ses fils le titre impérissable de champion de l’Italie, et de lier à jamais l’honneur de sa couronne aux intérêts de la cause nationale. Il a pris à Novare une position que sa race ne perdra pas.

Cette solidarité entre l’ambition de la dynastie et celle du pays est peut-être la circonstance qui nous fait augurer le plus heureusement de l’avenir de tous deux. La résolution hautement politique par laquelle le cabinet du roi Victor-Emmanuel a associé les armes du Piémont aux armes de la France et de l’Angleterre dans une occasion récente est venue mettre le sceau à la situation que cet état s’est faite en Europe. Il y a gagné une sorte d’égalité politique qui est dans l’intérêt de tout le monde. Lorsqu’on effet nous exprimons une sympathie non équivoque pour cet état régénéré, nous n’écoutons pas seulement nos vieilles faiblesses pour la liberté. La dignité des peuples, le respect des nationalités, l’esprit nouveau des sociétés, sont sans doute des motifs qui ont leur valeur et que nous ne pouvons nous résoudre à dédaigner; mais ils ont peu de faveur par le temps qui court, et nous en savons d’autres plus opportuns. Dans l’organisation de l’Europe, l’existence d’un grand état de plus à l’occident serait une nouvelle garantie pour l’indépendance générale. C’est toujours du nord oriental que le danger peut venir, et la puissance russe, pour avoir été, grâce à Dieu, ramenée, dans l’opinion du monde, à de moindres proportions, n’a pas cessé d’exister. Certes nous ne sommes pas ingrats envers la guerre de Crimée : elle a dissipé en partie ce nuage menaçant qui depuis tant d’années pesait sur l’Europe; nos intrépides légions nous ont vengés du mal profond que l’inimitié d’un monarque trop vanté et trop redouté a fait, pendant toute sa durée, au gouvernement le plus libéral qu’ait eu la France. L’empereur Nicolas est mort le cœur brisé de voir le monde enfin convaincu que sa sagesse n’était pas plus infaillible que sa puissance n’était invulnérable : c’est un grand résultat; mais l’état général des choses subsiste, la situation respective des puissances peut ne pas se retrouver toujours telle qu’elle était en 1854. La Prusse a montré son indécision et sa faiblesse; l’Autriche peut être moins bien inspirée. Certainement, s’il existait une puissance de plus qui, de ce côté-ci de l’Europe, mît son poids dans la balance, ce serait une force nouvelle, ce serait un gain considérable pour la bonne cause. Il faut d’ailleurs le remarquer, le Midi n’est