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UN VOYAGE
DANS
LE NORD DE L’ITALIE



Jamais voyageur n’est revenu d’Italie qu’on ne lui ait demandé ce qu’il en pensait, comme s’il était possible d’en penser autrement que tout le monde. C’est un sujet sur lequel l’opinion est fixée, et, pour se ranger au nombre des dissidens, il faudrait la passion du paradoxe, goût malheureux quand il entre en contradiction avec une admiration désintéressée. Loin de se défendre de celle qu’inspire l’Italie, mieux vaudrait cent fois répéter les vers de Goethe : Connais-tu la terre où les orangers fleurissent? même dans la traduction de lord Byron, ou l’apostrophe d’un poète français :

Divine Juliette au cercueil étendue, etc.


Cependant, en parlant de l’Italie, comme en regardant un tableau fameux ou en lisant un poème célèbre, on ne peut s’empêcher de regretter qu’il ne soit pas possible d’élever un jeune homme, de former et de cultiver son intelligence, sans l’obstruer par avance d’une foule d’opinions commandées dans les choses de goût ou d’imagination, et de le laisser marcher librement, sans obligation acceptée ni parti pris, à la recherche du beau. Ses jouissances ne seraient pas moins vives pour lui appartenir davantage. Ses impressions, qu’il n’aurait ni empruntées ni prévues, n’en auraient que plus de prix. Il sentirait de son chef et il admirerait pour son compte. On serait sûr qu’il parle de lui-même et ne répète pas une leçon. Mais cette