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mêmes, très peu présentent les autres. En face de Dieu et de la vérité, tout cela n’est que brigue, irréflexion, mensonge, et l’impudence seule se montre sans masque. Oui, si je ne craignais d’être taxé d’exagération et de calomnie, je vous dirais que la perversité de certains d’entre eux va jusqu’à offrir de l’argent, que le siège sacré des évêques est marchandé comme un meuble dans une foire, et qu’on l’aurait déjà vu affiché à la criée, si l’acheteur corrompu était aussi hardi que le vendeur. Venez donc à mon aide, je vous en conjure, honorez-moi de votre présence fraternelle, soutenez-moi de vos conseils dans l’accomplissement d’un devoir si nouveau pour moi, et auquel je ne puis me soustraire, quelque rougeur qui me monte au front. Ne me dites pas que, métropolitain de la province de Sens, vous n’avez rien à faire avec les âmes de la province d’Aquitaine et qu’elles ont leurs médecins à elles ; il importe peu que les provinces soient divisées quand la religion est une. Ajoutez à cela que de toutes les villes d’Aquitaine, grâce à la guerre, Clermont est aujourd’hui la seule qui soit romaine, et qu’à défaut de mes comprovinciaux, j’ai besoin que les métropolitains des autres provinces me viennent en aide. L’honneur de votre prérogative sera sauf : je réserve tout à votre censure. Accourez donc et ne m’opposez point de prétextes, car vous excuseriez plutôt votre absence que vous ne justifieriez votre faute, tandis qu’en venant, vous nous prouverez que, si votre juridiction peut avoir des bornes, votre charité n’en connaît point. »

Diverses lettres en forme de circulaire, rédigées dans ce sens et corroborées par des invitations officielles émanant du corps municipal, furent envoyées aux évêques des provinces les plus voisines, puis Sidoine retourna en Auvergne, afin de vaquer aux soins particuliers de son église, et de réfléchir en paix aux événemens qui semblaient vouloir se dérouler.

Au-dessus de la tourbe des compétiteurs sans espérance se dessinaient trois personnages importans, entre lesquels pouvait se balancer la fortune : tous trois étaient laïques, tous trois avaient figuré dans les luttes contre les Visigoths ou leurs fauteurs, ce qui était une grande recommandation dans la circonstance ; tous trois enfin avaient eu avec Sidoine des relations d’amitié ou de politesse. Ils se nommaient Pannychius, Eucher et Simplicius.

On eût vainement cherché dans la cité des Bituriges une famille plus noble et plus estimée que celle de Pannychius. À l’exemple de ses ancêtres, il avait parcouru le cercle des hautes dignités de l’empire, et sorti de sa longue carrière administrative avec le titre d’illustre, il siégeait maintenant dans le conseil de sa cité, dont il était un des patrons. Les deux passions de sa vie, c’est-à-dire la