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telle étude l’a mis à même de tracer trois zones de température qui correspondent à trois intervalles de temps. Ces altérations de climat, causes déterminantes des révolutions de la vie, ont été produites à leur tour par des variations survenues dans la structure des îles britanniques, dans le niveau relatif de la terre et de la mer, dans les principaux traits géographiques des autres contrées de la vieille Europe ; en vertu de l’admirable équilibre des lois naturelles, rien ne change que tout ne change. De refroidissement en refroidissement, nous arrivons ainsi à ce que les géologues anglais ont appelé l’époque glaciale ou l’hiver de la grande année.

Quiconque parcourt avec attention la surface actuelle de l’Angleterre remarque dans certains endroits des traces d’anciens ravages. Des montagnes présentent d’un côté la roche nue, et de l’autre une pente douce, joyeuse, verdoyante. Ces accidens affectent le paysage de formes plus ou moins abruptes, de traits hardis et frappans. Des portions considérables de terres sèches ont été autrefois recouvertes d’une argile bleuâtre qu’elles gardent encore ; beaucoup de fragmens de roches, arrachés à la vieille terre du Cumbriand, à la chaîne pennine, aux moraines du nord de l’Angleterre et aux montagnes de craie, se montrent çà et là brisés, dévastés, usés par l’action des eaux. Ces blocs erratiques ont été visiblement détachés de la roche-mère par une action violente, et transportés souvent pêle-mêle à des distances considérables. Ils ont roulé non-seulement à travers les plaines, mais au-dessus de la tête des montagnes qui se rencontrent dans l’intervalle. Quelques-uns d’entre eux se présentent aujourd’hui à cent trente milles de leurs roches originaires. Il y a même sur la côte est de l’Angleterre des débris qui ne se rapportent à aucune des roches de la Grande-Bretagne, et qu’on suppose avoir été transportées de la Norvège. Comment ces masses ont-elles été enlevées de leur gisement primitif ? Ce ne peut être que par l’action des eaux, aidées par la force des glaciers sur la terre et par celle des bancs de glace (ice-bergs) sur la mer. On connaît aujourd’hui en Suisse et dans d’autres pays la marche des glaciers, ces montagnes d’eau solide qui, emplissant quelquefois toute une vallée, poussent leur masse dans d’autres vallées plus basses. Le glacier se meut comme les rivières, en suivant un cours déterminé, quoique l’œil ne le voie point remuer : c’est en quelque sorte le mouvement dans l’immobilité ; mais de jour en jour, d’année en année, la force secrète et silencieuse qui l’anime devient sensible. La masse s’avance, et en s’avançant elle use, elle broie les rochers : on a retrouvé la trace de ces profondes égratignures jusque sur les flancs escarpés du Snowdon et d’autres grandes montagnes. Des radeaux de glace ont, de leur côté, voituré les blocs détachés des anciennes roches. La